« Nous sommes ici pour entendre vos questions, y compris celles que vous pourriez juger choquantes. Nous sommes là pour en débattre ». Anli Boura, référent académique laïcité et valeurs de la République, entend mettre le plus à l’aise possible la vingtaine d’élèves venus assister à l’espace de débat organisé au lycée du Nord.

La laïcité, un principe républicain

Plusieurs temps forts dédiés à la laïcité

Certes, si la journée du 9 décembre revêt une dimension singulière, date d’anniversaire de la promulgation de la loi 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, « le Lycée du Nord a décidé de dédier plusieurs temps fort, la semaine précédant les vacances de fin d’années, à la laïcité », renseigne Loetizia Fayolle, inspectrice pédagogique régionale d’Histoire-Géographie, à l’instar du dialogue parents-établissement autour des valeurs de la République mercredi 7 décembre. Elle tient néanmoins à rappeler qu’à « Mayotte la loi de 1905 ne s’applique pas puisque le département est régi par les décrets Mandel ». Toutefois, poursuit-elle, « à Mayotte, on applique la loi scolaire notamment celle de 2004 [sur les signes religieux dans les écoles publiques françaises] ». La maladie du silence se dissipe peu à peu dans la salle et les langues commencent à se dénouer. Les questions ne tardent pas, ni les observations de la part des élèves.

Des échanges qui se focalisent sur la question vestimentaire

Très rapidement, le débat se focalise sur la tenue vestimentaire qui cristallise les passions. « Ce n’est pas les vêtements qui parlent, c’est quand on commence à revendiquer que cela pose problème, mais les vêtements ne sont pas un problème en soi », intervient une jeune élève au fond de la salle. Une autre renchérit, « pourquoi faut-il ne pas couvrir nos oreilles ? ». Petit à petit le dialogue s’installe est Anli Boura apporte des réponses, « le kishali, on l’attache où on l’enlève, j’ai besoin de voir vos oreilles pour savoir si vous avez quelque chose dans vos oreilles » et de rappeler que « dans l’école laïque, l’espace est neutre aussi bien d’un point de vue politique que religieux ».

L’équipe pédagogique n’a reculé devant aucune question

La mise en place des principes de laïcité dans un département au sein duquel la majorité des élèves est de confession musulmane, et fréquente en parallèle l’école coranique, suscite de nombreuses interrogations de la part des élèves présents. « Ils ne voient pas forcément pourquoi certains comportements peuvent être gênants car ici la culture est musulmane », constate Loetizia Fayolle. En « métropole, les établissements ont une multitude d’élèves avec des confessions différentes alors qu’ici ils ne sont pas confronté au contexte multiculturel et multi confessionnel», note Anli Boura.

« Prix de la laïcité de la République Française »

Dans le cadre du « Prix de la laïcité de la République Française » 2022 organisé par le ministère de l’Intérieur et des outre-mer le Lycée du Nord a proposé, sa « Charte de la laïcité illustrée pour l’école mahoraise » pour l’année 2023, et a été retenu. Doté d’une enveloppe de 50.000 euros, le prix de la laïcité de la République française a permis de soutenir plusieurs actions de protection et de promotion de la laïcité, parmi près de 90 projets. Cette année, six prix ont été remis aux lauréat, dont le lycée du Nord.  Il entend distinguer et encourager les actions de terrain et les projets portant sur la protection et la promotion effectives de la laïcité.

L’exposition itinérante au lycée d’Acoua

« Le projet porté par le lycée du Nord a intéressé le ministère car cela part, pour les élèves d’une volonté d’explicitation de leur quotidien ». Porté par des professeurs et des conseillers principaux d’éducation, le travail de réflexion qui sera mené « se fera peu importe l’âge ou la filière des élèves ». Dès lors, rien d’étonnant si le recteur de l’académie de Mayotte a inauguré vendredi matin l’exposition itinérante « L’École et les valeurs de la République » au sein de l’établissement d’Acoua. Un moyen de rappeler l’histoire de laïcité et ses principes ainsi que la place centrale qu’y revêt l’école ; « école qui doit aider à l’émancipation des élèves », conclut Anli Boura.

Pierre Mouysset

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