Océan Indien par Imaz Press, lundi 6 novembre 2023 à 11:41

À la Fabrik : La Kie Ibao présente sa dernière création : Goulapia ou la consommation sans faim

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Deux ans que la Konpani Ibao travaille sur cette pièce plus que jamais d’actualité puisque Goulapia explore notre perpétuel besoin de consommer… sans jugement et sans solution. Une pièce sur la vertigineuse voracité de notre époque, à découvrir cette semaine à la Fabrik et la semaine prochaine aux Bambous (Photos Sébastien Marchal).

Avec une théâtralité débridée et une grande maîtrise du jeu masqué, la Konpani Ibao nous plonge dans Goulapia - personnage qui mange beaucoup et avec avidité -, leur nouvelle création, une fascinante fiction, terrifiant miroir de notre humanité consumériste.

L’action a pour cadre un supermarché, temple du plaisir éphémère, du plaisir - totalitaire par l’institution de la publicité - de consommer, du bonheur homéopathique pour fuir les réalités politiques et sociales du moment… Les supermarchés sont en effet souvent représentatifs d’une population cherchant à fuir brièvement une société engendrant des paniques sociales. Mais surtout, ils imposent leur droit et orientent sans vergogne ni états d'âme les réflexes d'achats de leur clientèle.

Dans ce huis clos - qu’on pourrait aussi qualifier de "Je dépense, donc je suis" -, vont donc se croiser une mère de famille pauvre, une scientifique, un activiste décroissant, un patron égocentré uniquement penché sur sa balance des profits et un vigile coincé entre individu et fonction.

Dans une chorégraphie des circulations et des gestuelles, l’univers esthétique de Goulapia - réalisé de main de maître par la scénographe Nelly Cazal - met en image une forme d’enchantement face à la consommation, avec sur le plateau, un tapis, des étagères, des congélateurs et des caddies. Tout est à sa place, tout se remplit, rien ne se vide.
Et soudain, c’est le grain de sable…

Nos cinq personnages qui n'auraient pourtant pas dû se retrouver enfermés là se retrouvent animés d’une flamme revendicatrice et vont embarquer dans un voyage jusqu'au bout de l’envie. À travers eux, le texte met en jeu différents types de consommations sur fond de critique sociale de notre surconsommation où différentes réalités à l’œuvre aujourd’hui circulent et se juxtaposent : la décroissance, le progrès, la survie, le profit et plus généralement l’opportunisme et l’inconscience. Mais ces réalités ne s’affrontent pas, ne débattent pas ou alors faussement. Non, chacun reste dans ses rails, dans sa ligne éthique et politique. Bref, ce beau désastre orchestré par des personnages hilarants dont les masques amplifient le comique, résonnera forcément en chacun d’entre nous.

La Réunion, à l’image de la planète tout entière, n’étant pas épargnée par le phénomène de consommation à outrance et ce, même dans un contexte inflationniste. "La société en général tend vers ça. Malheureusement, en dépit de la situation catastrophique en matière d’environnement notamment, il n’y a aucun recul ni remise en question sur les comportements et La Réunion n’y échappe pas", regrette Didier Ibao qui s’est inspiré d’un conte intitulé « Lièv’ avec compère singe dan’ vent’ léléphan" saupoudré d’une touche de "L’enfer de Dante" pour monter Goulapia avec son équipe. Le risque étant de ne pas tomber dans la diabolisation de ces temples de la consommation car comme le disait si bien Coluche, « il suffirait que les gens ne les achètent plus pour que ça ne se vende pas".

Alors expérience, révolte, folie ? Le cœur l’emporte-t-il sur la raison ou inversement ? À chacun de se faire son opinion sur l’expérience… "Goulapia ne se pose pas en donneur de leçon, on souhaite juste engager la réflexion de chacun sur la société, sur notre rapport au monde et forcer à l’auto-discipline par le biais notamment de l’éducation".

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La pièce…

L’action se passe dans un supermarché, le vigile fait l’ouverture et les consommateurs circulent entre les rayons. Dans cet ordinaire, cinq personnages vont plus particulièrement retenir notre attention : la mère de famille pauvre, la scientifique qui prône une consommation raisonnée et moléculaire, l’activiste décroissant qui cherche dans son supermarché un retour à l’état de nature, le patron égocentré uniquement penché sur sa balance des profits et le vigile, coincé entre individu et fonction, entre cœur et raison, toujours entre deux loyautés. Nous allons vivre un moment avec eux. Pourquoi ? Pour tenter une expérience... une révolte... ? Une folie ? Peut- être... Ce sera à vous de voir.

vw/www.ipreunion.com/redac@ipreunion.com

Goulapia, à la Fabrik (Centre dramatique national de l’océan Indien), mardi 7 novembre à 19h, jeudi 9 novembre à 19h, et vendredi 10 novembre à 20h ; puis aux Bambous le samedi 18 novembre à 17h

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