Alimentation : Consommation : lorsque les produits alimentaires sont rappelés, il est (presque) déjà trop tard
Le 18 septembre 2024, au Carrefour de Saint-Benoît, des lots de cuisses de poulets vendus au rayon boucherie ont fait l’objet d’un rappel pour suspicion d’une présence de salmonelles. Une situation redoutée par les industriels et les revendeurs car l’intoxication alimentaire peut engendrer pour les consommateurs des problèmes de santé graves, pouvant aller jusqu’au décès. D’où le rappel des produits lorsqu’un problème de contamination est détecté. Mais entre la vente et le rappel, il se passe souvent beaucoup de temps. Les consommateurs ont déjà mangé le produit contaminé (Photo www.imazpress.com)
Une jeune femme - qui a préféré garder l'anonymat - a consommé une cuisse de poulet faisant partie du lot rappelé. Après le temps de la dégustation entre amis, est venu le temps des maux de ventre et des nausées.
C'était il y a trois semaines. La jeune femme confie à Imaz Press : "je suis allée à une soirée chez des amis. Nous avons fait des grillades, tout le monde a apporté quelque chose et notamment des cuisses de poulet à faire griller". "Quand j'ai mangé ce poulet je n'ai pas du tout trouvé un goût de gaté. Il faut dire que l'on avait mis la viande à mariner avec du siave et beaucoup d'épices, ça masque beaucoup de choses."
Mais en fin de soirée, "j'ai commencé à me sentir mal", dit-elle. "J'ai d'abord cru que j'avais trop mangé. Ce n'était pas du tout le cas."
"J'ai rapidement eu des vomissements et j'étais épuisée." Le lendemain de la soirée, elle part voir son médecin. Rapidement, "il a détecté une intoxication alimentaire". "J'ai été malade pendant une semaine, je n'ai pas pu aller travailler, je ne pouvais pas avaler grand-chose."
Si la jeune femme est tombée très malade, elle ne fut pas la seule. "Quatre personnes de mon entourage ont été malades de la même manière. Je suis sûre que d'autres personnes qui étaient à la soirée ont été malades."
En discutant avec ses amis et les gens qui étaient à la soirée, c'est seulement après qu'elle a "appris que certaines des cuisses de poulet venaient du Carrefour de Saint-Benoît". Des cuisses qui ont fait l'objet d'un rappel en raison de la présence de contaminants microbiologiques avec un risque de salmonelle.
Il faut savoir que les infections alimentaires causées par les salmonelles se traduisent par des troubles gastro-intestinaux souvent accompagnés de fièvre. Les symptômes peuvent s'aggraver chez les jeunes enfants, les personnes âgées ou immunodéprimés.
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- Des risques présents maintenant mais des rappels qui prennent du temps -
Malade après avoir mangé une cuisse de poulet, tombé sur un morceau de plastique… Pour les consommateurs qui subissent ces lots rappelés, le rappel est forcément tardif.
Si pour les consommateurs, le temps entre la date où ils ont acheté le produit et le rappel paraît long, la préfecture de La Réunion explique que : "les retraits et rappels de produits sont mis en œuvre par les professionnels dès connaissance de la non-conformité concernée. Ils en ont l'obligation légale".
"Dans les cas rares où le professionnel est considéré comme défaillant dans l'application de ces mesures, le préfet, ordonne par arrêté préfectoral ces dernières avec effet immédiat au professionnel. Il arrive en effet que des produits rappelés ont déjà été consommés. C'est en ce sens que les mesures de rappels prévoient des informations spécifiques sur la conduite à tenir si tel en est le cas", précisent les services de l'État.
Selon la préfecture de La Réunion, "le système existant est très efficace et protecteur pour le consommateur".
"Il s'articule autour de contrôles réguliers des services de l'État de la production jusqu'à la consommation, d'autocontrôles des professionnels tout au long de la chaine et d'un système de gestion des alertes alimentaires éprouvé qui permet de garantir une sécurité importante des productions alimentaires proposées aux consommateurs et une information de ces derniers en toute transparence dès lors qu'un risque est identifié", précisent les services de l'État.
Et pourtant, en mars 2022, des pizzas surgelées Buitoni de la gamme Fraich’Up qui avaient été rappelées en masse pour risque de contamination à la bactérie E. Coli. Des dizaines de cas de syndrome hémolytique et urémique (SHU) avaient été relevées par les autorités sanitaires, et deux enfants sont décédés. Mais le rappel a eu lieu bien après la date de commercialisation.
De même en 2022, pour les chocolats Kinder de Noël où l’on a appris le 13 avril leur retrait, soit près de cinq mois après les fêtes de fin d’année. Plusieurs tonnes de produits Kinder avaient été retirées des rayons car suspectées de contenir des salmonelles, des bactéries dangereuses pour l’organisme. 150 cas de salmonellose avaient été identifiés par les autorités européennes.
- Comment s'effectuent ces rappels ?-
En France, selon l’article L.423-3 du code de la consommation, les opérateurs professionnels (producteurs, distributeurs…) doivent, dès qu’ils en ont connaissance, informer les autorités compétentes des risques présentés par les produits destinés au consommateur qu’ils ont mis sur le marché et des mesures qu’ils ont prises pour écarter ces risques.
Après cette étape, le rappel n'est pas de suite effectif. Le fabricant ou importateur "qui est avisé du danger d’un produit par un de ses clients - détaillant ou distributeur - doit compléter l’information fournie en communiquant à l’autorité nationale compétente sans délai toute information concernant ledit produit, en particulier s’il étend les mesures de gestion ou s’il dispose d’éléments complémentaires concernant la traçabilité du produit incriminé", indiquent les services de l'État.
"Dès lors qu'un produit présente un risque identifié, des mesures spécifiques sont mises en œuvre par les professionnels au titre de leur responsabilité première, sous la supervision de l'État", explique la préfecture. "Il s'agit du retrait et du rappel de produit."
"Ces mesures visent en tout premier lieu à protéger le consommateur", ajoutent les services de l'État.
Elles consistent concrètement à retirer physiquement les produits concernés des rayons (retrait) pour empêcher toute nouvelle consommation et informer (rappel) les consommateurs sur plusieurs points : le produit concerné (numéro de lot, date de consommation, son poids, sa présentation), la conduite à tenir s'ils détiennent le produit (en général ne pas le consommer et le ramener au point de vente ou le détruire) mais aussi la conduite à tenir si le produit a été consommé (surveiller l’apparition d'éventuels symptômes listés dans le rappel et consulter un médecin si ces symptômes apparaissent en signalant la consommation du produit concerné).
Le site RappelConso permet de rassembler sur un site unique l’ensemble de ces rappels", précise la DGCCRF.
En parallèle, "dans chaque lieu où le produit rappelé a été commercialisé, des affichettes informatives sont apposées par le vendeur pour informer les clients. En complément de ces mesures, le fabricant du produit peut aussi communiquer par voie de presse. Enfin le professionnel met en œuvre la recherche des causes du risque afin d'éviter qu'il se reproduise", précise la préfecture.
- Ne pas informer peut coûter cher -
Si l'entreprise responsable n'engage pas les mesures appropriées, les autorités peuvent les lui imposer. Commercialiser des produits alimentaires comme non-alimentaires au grand public est soumis à des règles très strictes.
D’après les informations de la DGCCRF, "les professionnels devant répondre à une obligation de résultats et non de moyens sont libres de mettre en œuvre les mesures qui leur semblent les plus adéquates pour effectuer le rappel du produit".
Toutefois, après le scandale Lactalis, "la loi Egalim a rendu obligatoire l’information immédiate de la direction départementale en charge de la protection des populations par l’exploitant lorsque celui-ci considère que, sur la base d’un résultat d’autocontrôle défavorable, les produits sont susceptibles d’être préjudiciables à la santé humaine ou animale même s’ils n’ont pas été mis sur le marché", précise la DGCCRF.
Depuis cette date, les professionnels doivent déclarer aux services de contrôle tout résultat d’autocontrôle. Les établissements agréés doivent lister précisément tout danger microbien ou extérieur (incendie, fuites, danger chimique...). Pour faire simple, tout événement inhabituel survenu dans l’entreprise doit ainsi être déclaré.
Si la DGCCRF constate que les procédures de retrait ou de rappel ne sont pas correctement voire pas du tout mises en œuvre, conformément au Code de la consommation, le professionnel responsable risque cinq ans de prison et 600.000 euros d’amende. Ce montant peut être majoré jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, conclut la DGCCRF.
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