Océan Indien par Imaz Press, mardi 18 juillet 2023 à 18:01

Comité interministériel : La "fin du laisser-aller pour les Outre-mer"... il reste encore beaucoup à faire

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Ce mardi 18 juillet 2023, le Comité interministériel des Outre-mer était réuni autour d’Élisabeth Borne et de plusieurs de ses ministres, dont notre ministre délégué aux Outre-mer, Jean-François Carenco. Lors de sa prise de parole, la ministre a annoncé un inventaire de près de 70 mesures diverses et variées portant sur l’octroi de mer, l’éducation, ou encore la mobilité. Des mesures qui signifient la "fin du laisser-aller", selon les mots de notre ministre délégué.

Fiscalité, eau, éducation, handicap, logement…. 70 mesures pour que "nos compatriotes ultramarins vivent mieux et qu'ils voient des changements, rapidement", lance Élisabeth Borne.

Parmi les décisions annoncées, la future réforme de l'octroi de mer. Bruno Le Maire, ministre de l'Économie l'a confirmé, "l'octroi de mer contribue à la vie chère en Outre-mer".

Un fait que l'on peut constater, dès lors que l'on voit l'écart des prix entre l'Hexagone et La Réunion.

"Nous sommes donc déterminés à engager une refonte en profondeur de l'octroi de mer avec un objectif principal, lutter contre la vie chère."

Bruno Le Maire a donc promis que la réforme de ce dispositif sera "totalement adoptée et mise en œuvre au plus tard en 2027".

Mais comme l'a souligné le député Frédéric Maillot, l'octroi de mer n'est pas la seule raison de la vie chère à La Réunion. La concurrence et le monopole de certain y est également pour quelque chose.

Sur ce point, Élisabeth Borne a annoncé le renforcement "des moyens pour la concurrence". Et "nous ferons des échanges avec les bassins régionaux en mettant en place des plateformes d'équivalence de norme."

Sans attendre, les effectifs de la Direction Générale de la Concurrence, la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) seront renforcés, avec une augmentation de 10 % consacrés au contrôle de la concurrence dans les cinq DROM dès 2024.

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- Le plafond de la continuité territoriale revu à la hausse -

Pour faciliter la mobilité des ménages résidant dans les Outre-mer, l’aide à la continuité territoriale sera réévaluée et simplifiée, annonce le gouvernement.

En complément de l’augmentation du taux de prise en charge des billets porté en 2023 à
50 %, les seuils fixés à ce jour pour l’éligibilité des ménages au dispositif de continuité territoriale seront réévalués. Le seuil du quotient familial sera ainsi augmenté de 11.991 euros à 18.000 euros. Cette revalorisation portera le taux de population éligible dans les cinq DROM de 62 % à 77 %.

Par ailleurs, des mesures ciblées sur des publics particuliers seront mises en place pour accompagner la création de valeur dans les territoires :

• Aide à la mobilité des actifs : accompagnement pour la formation en complémentarité avec les financements des opérateurs de compétences (OPCO), accompagnement des entrepreneurs dans les secteurs de pointe ;

• Renforcement des aides au déplacement des étudiants : prise en charge à 100 % d’un aller-retour par an jusqu’à 28 ans et d’un aller-retour supplémentaire la première année, pour tous les étudiants ultramarins dont le quotient familial est inférieur à 26 000 euros ;

• Élargissement de l’accompagnement des talents du monde de la culture et du monde sportif pour les déplacements des troupes artistiques et des équipes sportives ;

• Mobilités sociales : accompagnement des mobilités dans des situations d’urgence, notamment pour les victimes de violences intra-familiales et amélioration des modalités de la continuité funéraire par la mise en place d’un système d’avance.

- Créer de l'emploi -

Sur l'emploi, l'État s'engage à moderniser la fiscalité et à investir pour libérer l’initiative et stimuler la concurrence, dynamiser l’insertion économique régionale et renforcer la souveraineté alimentaire.

Pour soutenir la création de valeur dans les territoires ultramarins, les ministres chargés de l’économie, des comptes publics et des Outre-mer soumettront avant la fin 2023 des propositions d’adaptation des aides fiscales à l’investissement Outre-mer destinées à : améliorer leur pilotage, la mesure de leur efficacité et de leur efficience économique  et renforcer les soutiens concourant au plein-emploi et à la transition écologique, notamment en incitant à la réhabilitation et à la réutilisation de structures existantes et de friches

Pour permettre aux entreprises ultramarines de renforcer leurs fonds propres et financer leur développement, l’État soutiendra, en s’appuyant sur France 2030, la création de fonds d’investissement dédiés aux Outre- mer, mobilisant des capitaux privés, qui compléteraient les dispositifs de soutien régionaux.

L'objectif étant également de faciliter les importations régionales de matériaux de construction grâce à un marquage « RUP » en substitution du marquage « CE » L’utilisation des matériaux de construction issus du bassin géographique de chaque DROM sera facilitée pour disposer de produits adaptés aux caractéristiques locales, compétitifs et plus rapides à acheminer.

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- Renforcer la souveraineté alimentaire -

Dans la suite de la démarche de transformation agricole des Outre-mer initiée par le président de la République en 2019, les départements et régions d'Outre-mer ont élaboré des plans de souveraineté alimentaire.

Pour compenser les surcoûts des intrants et de l’énergie, les producteurs ultramarins de fruits et légumes recevront un soutien de 10 millions d’euros – comme annoncé par la ministre lors de sa venue à La Réunion.

L’État accompagnera l’atteinte des objectifs par un soutien renforcé, dans le cadre du complément national du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI), à hauteur de 15 millions d’euros supplémentaires dès 2024.

- Éducation et accompagnement des jeunes -

L'objectif de ce CIOM est également de mettre les jeunes au cœur de l'action. Pour cela, 10.000 solutions d’accueil supplémentaires pour les jeunes enfants seront créées d'ici 2030 et 4.000 places de crèches d’ici 2027.

Jean-François Carenco a également mis l'accent sur la langue régionale en souhaitant sécuriser "l’entrée à l’école maternelle en facilitant l’apprentissage du français".

"Pour lutter contre les difficultés scolaires des enfants non-francophones des académies ultramarines et faciliter leur entrée dans les apprentissages, l’accueil des élèves dans leur langue maternelle sera possible à l’école maternelle. Cette mesure sécurise l’entrée des enfants à l’école et améliore l’apprentissage du français.".

Un plan de formation des enseignants sera mis en place pour permettre l’obtention d’une certification académique en langue régionale pour les professeurs volontaires.

Pour l'éducation, le CIOM veut également assurer la gratuité des petits-déjeuners et des manuels scolaires dans les écoles du primaire grâce à un nouveau Pacte des solidarités. Ce sont plus de 50 millions d’euros par an qui seront consacrés à des actions concrètes.

En ce qui concerne le logement et sa rénovation, ainsi que l'augmentation des bourses pour les étudiants. Ces mesures avaient d'ores et déjà été annoncées par la Première ministre.

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- Mayotte au coeur de l'attention -

Pour Mayotte – où la situation migratoire comme sociale est particulièrement tendue - une loi dédiée au 101e département de France sera proposée par le Gouvernement aux élus du territoire au plus tard dans les six mois.

Elle permettra d'adopter un train de mesures adaptées aux enjeux de l'île dans tous les secteurs de la vie quotidienne. Elle sera également accompagnée de propositions non législatives.

Notamment concernant la lutte contre les fraudes à la paternité en centralisant l’établissement des actes de reconnaissance de paternité et de maternité auprès des officiers d’état-civil de la commune de Mamoudzou, afin de mieux détecter les reconnaissances frauduleuses et multiples ;

Pour lutter contre l'habitat indigne et offrir aux citoyens des conditions de logement adaptées, il sera créé à Mayotte et en Guyane une nouvelle catégorie d'habitation légère dispensée de permis de construire pour accélérer la production de logements adaptés sur des secteurs définis et prioritaires.

Sans attendre, dans ces deux territoires, quatre sites de constructions modulaires seront mis en place pour créer du logement, afin de reloger les familles sur les terrains récupérés lors des destructions.

Pour renforcer l'offre de soins à Mayotte, compte tenu de la très faible densité de professionnels de santé, en comparaison des autres régions et des conditions d’exercice et de vie difficiles sur l’île, un plan spécifique sera élaboré, selon une logique interministérielle, visant à une meilleure attractivité des professionnels de santé d’ici la fin de l’année 2023.

Le décret gelant les prix de l'eau en bouteille à Mayotte, très attendu sur l'île de l'océan Indien en proie à une crise de l'eau, "sera publié demain", a-t-elle annoncé, promettant par ailleurs "de relancer l'élaboration d'un projet de loi spécifique à Mayotte".

- Le gouvernement satisfait... -

Pour conclure cette suite de mesures, Jean-François Carenco s'est dit satisfait. "Je suis satisfait de la réaction des ministères. On est 17 ministres, on n'a jamais vu ça", dit-il.

Il ajoute, "cela ne couvre pas tout mais ça marque la volonté d'une nouvelle ambition pour les Outre-mer et si on arrive bien à faire l'application, j'ai alors confiance que cela va donner un élan à ces territoires".

Jean-François Carenco le sait, le dit, "ça ne résout pas tout mais c'est déjà pas mal". "C'est la fin du laisser-aller, on s'en occupe, en vrai", conclut-il.

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- ... mais pas les Réunionnais -

Si le président du Département, Cyrille Melchior, "se félicite d’abord que ce CIOM n’ait pas été monopolisé par des questions d’évolution institutionnelle", il salue ensuite la méthode participative employée par le gouvernement : "Nous avons eu beaucoup d’échanges, de réunions au ministère pour défendre nos propositions, et nous avons été entendus".

Parmi les nombreuses mesures listées par le gouvernement, le Département de La Réunion retient notamment la prise en compte du mal logement dans l’île avec la signature annoncée, dans les six mois, avec le Département de La Réunion, d’une convention pluriannuelle renforcée pour le logement des personnes vulnérables. Le renforcement de la politique de mobilité pour les étudiants, les sportifs de haut niveau et les artistes.

Patrice Selly, dit également prendre "acte des annonces faites par le gouvernement qui seront  prochainement appliquées dans les Outre-mer. Je me réjouis également que nos territoires soient enfin entendus. Les attentes sont actuellement très fortes à La Réunion à la fois sur le plan social, économique, politique, du logement et du pouvoir d’achat".

Mais il est fait partie des seuls à se réjouir des annonces faites lors de ce Comité interministériel des Outre-mer.

De son côté, Huguette Bello note des orientations globalement partagées mais qui méritent d’être précisées. "La tenue de ce premier CIOM de l’actuel Gouvernement qui se réunira désormais annuellement constitue donc, sur le principe, un élément positif". "Mais la question posée est de savoir si les premières orientations et mesures annoncées sont à la hauteur de la gravité de la situation dans les territoires ultramarins, et des attentes des populations ?", se questionne la Région.

"Force est de constater que les annonces faites constituent des réponses ponctuelles à des problématiques identifiées dans tel ou tel secteur mais qu’elles ne pourront produire leurs effets que dans le cadre d’une approche globale et cohérente du développement durable de chaque territoire d’outre-mer."

Sur la vie chère, "en matière de lutte, il est possible d’aller plus loin aussi bien pour le pouvoir d’achat des ménages que dans la lutte contre les positions dominantes", interpelle la présidente de Région.

Pour le député Philippe Naillet, "ces mesures sont insuffisantes". "Si je salue la reprise de plusieurs propositions que j’ai pu défendre comme le renforcement des moyens pour le contrôle de la concurrence, l’adaptation des normes et la facilitation des échanges dans le bassin régional pour diminuer les coûts des matériaux de construction, l’accompagnement du POSEI, l’adaptation des critères de performance énergétique des logements aux milieux tropicaux, la mise en cohérence des Centre des Intérêts Matériels et Moraux (CIMM) entre les différents ministères et l’assouplissement de la loi littoral entre autres, il faut maintenant que ces annonces soient concrétisées dans les prochains textes législatifs et financées dès le prochain Projet de Loi de Finances."

"Ce premier CIOM depuis 2019 manque de propositions concrètes et significatives pour accompagner notre territoire suite aux différentes crises", ajoute-t-il. "De nombreuses attentes restent largement insatisfaites et rien de fort n’est proposé pour stopper la fracture sociale et réduire les inégalités", indique le député de la première circonscription.

"Aucune réponse immédiate à la cherté de la vie alors que se nourrir à La Réunion coûte 37% plus cher qu’en moyenne dans l’Hexagone", alerte Philippe Naillet.

En conclusion - et si quelques annonces ont été faites - force est de constater qu’après trois reports, le rendez-vous de ce matin reste mitigé. et qu'il reste encore beaucoup de chemin à faire pour les Outre-mer.

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