De nombreuses difficultés : Un lourd parcours d’obstacles pour la filière cheval péi
Club, élevage, tourisme, médiation animale… La filière cheval est une composante importante du développement des territoires. Créatrice d’emplois et génératrice d’activités sportives, elle connaît pourtant de nombreuses difficultés à La Réunion. Problèmes de transport, absence de vétérinaire, pas ou peu d’aides… la jeune filière équine a encore un lourd parcours d’obstacles à franchir. À La Réunion, la filière représente pourtant plus de 300 emplois, 3.000 cavaliers licenciés et surtout 2.500 équidés environ (Photo : www.imazpress.com)
"On est une jeune filière qui se structure, pas encore très reconnue dans le monde agricole", explique Samuel Silotia, président du Comité régional d'équitation (CRE).
"Nous ne pouvons toujours pas bénéficier des aides publiques au même titre que les autres filières agricoles, occasionnant la fermeture de certaines structures et d’autres qui risquent la même issue", déplore-t-il. "Nos problématiques (importations de reproducteurs, inaccessibilité au foncier agricole…) perdurent et ne sont pas prises en compte."
Pourquoi ? "Elle n'est pas une filière productrice, permettant la souveraineté alimentaire", explique le président du Comité régional d'équitation.
"Depuis que la loi Gaymard de 2005 a identifié les activités équestres comme faisant partie intégrante de l’agriculture, les acteurs du monde du cheval n’ont eu de cesse de pointer la défiance du secteur agricole vis-à-vis de l’équin." 19 ans après, le constat est le même.
Pour la Chambre d'agriculture, "on ne peut accepter que cette situation continue à peser sur une filière déjà touchée économiquement. Il est temps de trouver des solutions concrètes pour garantir la pérennité de ce secteur essentiel à notre île".
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- Pas ou peu d'élevage et des importations difficiles -
Des aides nécessaires pour développer la filière et l'élevage. "La filière n'est pas connue, nous n'avons pas assez d'aides pour nos éleveurs et pas les terrains qu'il faudrait", déplore Judex Therméa des écuries de Saint-André.
René Bénard est lui indépendant du côté de Sainte-Suzanne. "Je voulais faire de la reproduction mais c'est difficile. Difficile d'avoir des fonds pour se lancer là-dedans", dit-il.
"Il y a très peu d'élevages de chevaux à La Réunion, qui font vraiment professionnellement", précise Claire du Club hippique de l'Est (CHE).
"Les grands chevaux qui ont été importés à la Réunion sont des chevaux de sport acheté par des particuliers pour faire du concours, quand ils sont à vendre ils sont à la fois trop chers pour un centre équestre et d'une qualité supérieure à ce dont un centre équestre à besoin."
"En tant que centre équestre, le renouvellement de notre cavalerie avec des chevaux adaptés à l'utilisation d'un club est donc un véritable casse-tête", déplore le CHE.
Un élevage et donc un renouvellement du cheptel "qui se complique de plus en plus avec les difficultés des importations". Et ce, même si le 8 avril 2024, 24 chevaux ont posé leurs sabots à La Réunion.
Une difficulté qui se ressent dans l'activité des centres équestres. Du côté de Saint-Pierre, aux écuries Nassibou, "On constate un manque de chevaux en compétitions à cause des problèmes liés au transport aérien.
"Les centres équestres ne peuvent pas renouveler leurs cavaleries et ne trouvent pas forcément les chevaux ou poneys qu’ils souhaitent sur l'île. Le choix est restreint et les prix sont élevés."
Des difficultés survenues depuis la période du Covid-19. "Avant le Covid on avait un transport d'une à deux palettes (1 palette = 3 à 6 chevaux) tous les mois", explique Nallane Nassibou.
"Depuis trois ans ce qu’on a c’est qu’un vol par an si bien sur le quota de chevaux est rempli pour venir vers La Réunion."
Raison pour laquelle le président du CRE a interpellé le préfet afin de faire une table ronde avec la DAAF (direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, le Département, la Région et les autres instances.
D’autres solutions sont à l’étude, "le Comité régional - a déposé une demande d’aide au Fonds Éperons – un organisme financier d'intérêt général au profit de la filière hippique - pour aider les structures à renouveler leurs cavaleries", ajoute le centre équestre de l'est.
- Le foin et la sciure… des denrées rares -
Qui dit chevaux, dit également animaux à nourrir ou à loger. Mais là encore, le foin comme la sciure ou les copeaux de bois pour la literie sont une denrée rare sur l'île.
"Le manque de fourrage reste une grosse problématique de notre filière notamment en cette période où la production a diminué et nos équidés en ont plus besoin", alerte Samuel Silotia, président du CRE.
"Avant il y en avait suffisamment pour tous les clubs car c'étaient généralement ceux qui avaient des chevaux qui en prenaient mais maintenant il n'y a pas que nous", déclare René Bénard. D'autant plus qu'avec les pluies cela devient compliqué."
"La diminution de production de copeaux par COPOBOIS nous confronte également à cette problématique de litière", ajoute-t-il.
Pour pallier cela, le CRE aimerait pouvoir "organiser et structurer et la filière fourrage et filière litière". "Une étude est en cours. Nous avons recensé un certain nombre de producteur en faveur de la filière équine et mettre en place la banque de fourrage."
- Une filière qui demande de la main-d'œuvre -
Malgré la passion qu’ils suscitent – et ce malgré les difficultés - les métiers équestres peinent à attirer de nouveaux talents, le métier de moniteur d’équitation étant particulièrement en tension.
L’adaptation de la formation et l’amélioration des conditions de travail constituent donc une autre problématique pour assurer la stabilité et l’excellence de la filière.
"Il y a un manque d'employés, les jeunes ne veulent plus travailler. C'est un travail de passion. Quand un cheval est malade on reste sur place", note Judex Therméa.
Un constat partagé par René Boucher du Haras des Cœurs. "On est obligé de faire venir de l'extérieur les moniteurs." Après, à La Réunion, "il n'y a pas toutes les disciplines pour valider le BPJEPS (Brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport)", ajoute-t-il.
"Dans un contexte où le bien-être animal est érigé en priorité par notre société, il est profondément contradictoire de tolérer une telle situation, en raison d’un manque de moyens appropriés", souffle la Chambre d'agriculture de La Réunion.
Une filière qui emploie à La Réunion plus de 300 personnes pour plus de 3.500 cavaliers licenciés. "Il ne faut pas oublier cette filière car même si elle est petite elle est là. Elle fait vivre l'économie", indique Judex Therméa.
La filière équine fait travailler des moniteurs, palefreniers, éleveurs, les entreprises de sciures, de foins, les maréchaux-ferrants, les dentistes équins…Elle se sent pourtant "orpheline" face à des institutions qui restent sourdes à leurs alertes.
ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com
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