Infractions en augmentation : Vols sur les exploitations agricoles : des récoltes perdues et des agriculteurs en colère
Vols de fruits, vols de légumes… le phénomène est en augmentation dans les exploitations agricoles de La Réunion. Et pourtant, les agriculteurs n’ont pas besoin de ça, dans un quotidien déjà bien compliqué. Lorsque sont dérobées les récoltes, ce sont forcément des pertes financières importantes pour les exploitants. Entre vols bien organisés et vols commis par des passants, les agriculteurs, en colère, n’arrivent plus à préserver leur gagne-pain (Photo www.imazpress.com)
"D'année en année ça s'aggrave. Il n'y a pas de faits isolés. Il y a des dégradations de matériel, des incendies de tracteurs, des actes de vandalisme, des vols… On a déjà alerté les autorités là-dessus mais on est désarmé", s'indigne Olivier Fontaine, secrétaire général de la Chambre d'agriculture.
Selon les derniers chiffres recensés par l'Office central de lutte contre la délinquance itinérante, en 2022, en France, la gendarmerie a recensé 16.000 atteintes aux biens, vols et dégradation, sur des exploitations agricoles.
- Le désarroi des agriculteurs -
"Nous avons toujours des vols répétés sur les bananes", confirme Frédéric Vienne, président de la Chambre d'agriculture.
Concernant les vols de légumes et de fruits, "certains viennent prendre par ci ou par là mais il y a aussi ceux qui sont organisés", déplore Marie de l'Upna (Unis pour nos agriculteurs). L'agricultrice s'est fait dérober 60 régimes de bananes il y a plusieurs semaines.
Dans le Sud, Au Tampon, c'est un agriculteur qui s'est fait voler il y a plusieurs semaines des tomates et des fraises. "Même nous sur nos exploitations il y a eu des vols de chou et de coco", indique Danylo Taïlamé, président de l'association des producteurs et fermiers du Grand Sud.
"Sur certaines caméras, même chez nos collègues, on voit les clôtures coupées par des groupes organisés", note Marie. "Sur mon terrain en bord de route, les gens se servent tandis que d'autres viennent carrément avec des camions", ajoute Danylo Taïlamé.
Pour Olivier Fontaine, "avec la crise, il y a l'appât du gain et ça attire les mauvaises volontés".
Mais ce que déplorent la Chambre et les agriculteurs, c'est surtout "les chapardages et vols occasionnels de promeneurs. En petite quantité, mais de plus en plus", indique Frédéric Vienne.
"Les gens volent ce qui est facile à attraper à la main", explique Maria, agricultrice de l'Upna.
"Il faut que les gens respectent les maraîchages en plein champ. Là les personnes marchent à côté, prennent des courgettes. Mais si tout le monde fait ça, un jour, on n'aura plus rien."
- Un vol de fruits et légumes touchés par la crise -
Un phénomène que les agriculteurs constatent à la hausse depuis que l'inflation et la vie chère se sont fait sentir.
"Il y a beaucoup de vols sur des produits dont les prix sont élevés", note le président de la Chambre d'agriculture.
"Après la période cyclonique on a vu une explosion des vols, notamment à cause des fruits et légumes qui étaient chers", confie l'agricultrice.
"Les gens ne peuvent plus acheter donc ils passent, ils prennent, ils marchent aux abords des exploitations avec un petit sac et quand ils trouvent des légumes ou des brèdes ils se servent", déplore Danylo Taïlamé.
"Il est vrai les prix ont augmenté, que les gens ont faim. Il faut qu'ils mangent mais il faut qu'ils pensent que c'est le travail d'un agriculteur qui lui aussi galère et qui après ces vols met des mois à faire repousser."
Pour exemple, pour un pied de bananes, il faut entre huit et neuf mois pour que les premières bananes repoussent.
- Préserver les exploitations tant bien que mal -
Face aux vols à répétition, il est difficile de protéger son exploitation.
"On ne sait plus comment se protéger", déplore l'agricultrice. "On ne peut pas attraper le voleur sinon c'est nous qui serions en prison et en même temps les plaintes ne donnent rien."
S'il y a bien des moyens pour se protéger, ces derniers coûtent excessivement cher pour une profession pour laquelle les fins de mois sont difficiles. Pour rappel, selon une étude, plus de 42 % des ménages agricoles étaient sous le seuil de pauvreté à La Réunion en 2020.
Selon le Département, en charge de l'agriculture à La Réunion, "les dépenses d'équipements de protection contre le vol, qui seraient prévues dans le cadre d'un investissement global d'un agriculteur (ex : serres, bâtiment..) sont susceptibles de bénéficier d'un financement européen (FEADER), selon la nature des mesures FEADER et des projets concernés".
Et "même avec les caméras on nous dit que ce ne sont pas des preuves suffisantes."
Ce que fait Danylo Taïlamé, président de l'association des producteurs et fermiers du Grand Sud, c'est des rondes "même la nuit et surtout le week-end". "On se relaye pour veiller nos cultures."
"C'est un sacré rythme mais on est obligé pour protéger nos cultures car aujourd'hui vu l'inflation et les prix chers les gens volent mais nous-mêmes on peine à joindre les deux bouts", dit-il.
- Les agriculteurs dénoncent l'impunité -
Ce qu'aimeraient les agriculteurs, alors que leur gagne-pain est mis à mal par ces vols, c'est "que la loi fasse son travail pour nous protéger", indique l'Upna.
Peut-être "travailler aussi avec les collectivités qui connaissent les secteurs sensibles pour faire des surveillances, notamment avec une plus forte présence des forces de l'ordre", propose Olivier Fontaine.
"On va déclarer les vols mais le problème c'est que généralement les assurances ne remboursent pas cela à La Réunion", précise Danylo Taïlamé. "Notamment car il n'y a pas forcément de preuves. On peut seulement estimer les pertes avec un technicien de la Chambre d'agriculture."
Une difficulté que confirme Frédéric Vienne, le président de la Chambre. "Il est impossible de s'assurer contre les vols sur les exploitations."
Chaque vol, chaque dégradation, ajoute donc des difficultés supplémentaires pour ce secteur déjà en crise.
ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com