Pas de financement pour le déplacement de la statue (actualisé) : Saint-Denis : la Région va financer le projet de rénovation du square Labourdonnais

Ce vendredi 26 mai 2023, la commission permanente de la Région Réunion a décidé de participer au financement de la rénovation du square Labourdonnais. L’annonce a été faite par la maire dionysienne, Ericka Bareigts, ce vendredi après-midi. Toutefois, la Région a déclaré refuser toute participation au financement du déplacement de la statue. Pour rappel, le vendredi 5 mai la commission permanente de la collectivité régionale avait pris la décision de sursoir à statuer sur la demande de subvention de la commune de Saint-Denis concernant ce projet. La décision de la mairie dionysienne de déplacer la statue de Mahé de Labourdonnais du square vers la caserne Lambert avait poussé la Région à demander plus de précisions à la mairie sur le projet d’aménagement "afin de prendre une décision en toute connaissance de cause". La Région ayant reçu l’assurance que le déplacement de la statue n’est pas compris dans la demande de financement, elle a donc accordé la subvention. (Photo Photo rb/www.imazpress.com)
"Le sujet est clos" a indiqué la maire de Saint-Denis à propos du financement par la Région de la rénovation de ce vaste espace vert situé à proximité de la préfecture. La participation de la Région - via les fonds européens -, s'élèvera à 2,9 millions d'euros.
"Nous allons déplacer la statue (vers la caserne Lambert – ndlr) et on travaillera à faire comprendre pourquoi nous le faisons" a ajouté Ericka Bareigts en faisant allusion aux questionnements, divergences et polémiques que ce déplacement a soulevé du côté des élus, historiens et des associations.
Concernant le déplacement de la statue – qui coûte entre 50 et 100.000 euros financés par la mairie, "il faudra la remettre en l'état, nettoyer les pierres, les socles. Il y a beaucoup de travaux de nettoyage selon un protocole particulier imposé par le ministère de la Culture". "On préserve cette statue qui n'est pas dans un très bon état".
Mais pour l'heure, pas de date du déplacement de la statue. "Il faut continuer de faire les choses méthodiquement et dans le respect de la loi." Écoutez:
Mais alors, face à une situation qui a suscité tant de divergences, comment convaincre ? "On fera le travail d'apaisement, d'explications", souligne Ericka Bareigts. "Pas d'effacement et valorisation de notre histoire, personne n'efface personne", conclut l'édile.
De quoi réhabiliter cet espace de 6.000 mètres carrés. "On va ainsi continuer à agrandir les espaces destinés à la population", déclare la maire de Saint-Denis. "Nous allons donner au Barachois sa dimension qu'il doit avoir pour une ville de 150.000 habitants."
Lire aussi : Square Labourdonnais : "à Saint-Denis il n'y a pas de déboulonnage" déclare Ericka Bareigts
Lire aussi - Statue de Mahé de Labourdonnais : déplacer ou ne pas déplacer, là est la question
- La Région accorde le financement pour l’aménagement du square mais refuse toute participation au financement du déplacement de la statue -
Interrogée, la Région Réunion qui a examiné le dossier de demande de financement de la commune de Saint-Denis concernant l’aménagement du square Labourdonnais a réagit.
"Suite aux précisions qui ont été apportées par la maire de Saint-Denis indiquant que le déplacement de la statue de Mahé de Labourdonnais faisait l’objet d’une opération distincte non soumise au React UE et qu’elle serait entièrement financée par la commune de Saint-Denis, la commission permanente s’est prononcée favorablement sur l’attribution d’une subvention FEDER de 2,9 millions d’euros à la commune de Saint Denis pour les travaux d’aménagement du square."
Les élus de la commission permanente ont souligné que "l’opération de déplacement de la statue relève de l’entière responsabilité de la ville de Saint-Denis qui assumera en intégralité son financement".
"L'histoire de La Réunion appartient à tous les Réunionnais, elle n'appartient pas aux élus, c'est ainsi que nous ne participons pas au déplacement de la statue", déclare Huguette Bello. "J'ai des convictions profondes et l'histoire appartient à tous les Réunionnais."
- Le ministère de la Culture valide le déplacement de la statue -
Pour rappel, la maire de Saint-Denis, Ericka Bareigts, avec l'aval du ministère de la Culture, a annoncé le 26 avril dernier, "c'est un monument à protéger, mais protéger ne veut pas dire immobile". Elle a ajouté que son déplacement au cœur de la Caserne Lambert "aux côtés d'autres monuments militaires", "convenait aux deux partis". Force est de constater que si ces partis sont d'accord, ce n'est pas le cas de certains Réunionnais, dont des historiens.
Prosper Ève, historien de l'Université de La Réunion a saisi le préfet sur le sujet. "Au nom de la souffrance endurée par cette fille d'esclave, qui a vécu sans mère, sans père, presque tout au long de sa vie, je vous prie Monsieur le Préfet, laissez l'histoire de ce père et de sa fille naturelle et non légitimée, née d'une esclave, dans l'espace public", écrivait-il dans un communiqué.
De son côté, Christian Jean-Luc Cadet de l'association "Fort Réunion" qui défend le vivre-ensemble réunionnais, dénonce in "laproptaz" d'envergure préfectorale. "Dans le procès intenté par madame Bareigts, il n’y a pas de jury populaire, la population dionysienne n’est pas consultée", dit-il. " Un exploit pour une municipalité qui fait de la concertation son leitmotiv"
En réponse, le groupe #Laproptaz Nout pei a déclaré, "madame la Maire de Saint-Denis, Ericka Bareigts, a posé un acte symbolique très fort en décidant de déplacer la statue de Labourdonnais à la caserne Lambert avec l’accord du préfet de La Réunion.
Mahé de Labourdonnais rejoint ainsi la confrérie des militaires et redonne la place au peuple dans toute sa dimension historique, car c’est bien sûr cette place que se sont réunis les esclavisés libérés le 20 décembre 1848, lors de l’abolition de l’esclavage. Ce courage de rendre au peuple son histoire et sa légitimité, nous l’acclamons et nous le félicitons".
- Mahé de Labourdonnais, personnage très controversé -
Mahé de Labourdonnais, ancien gouverneur esclavagiste et personne très controversé de l'histoire de l'île prône depuis des années sur le square qui porte son nom.
Descendant de la noblesse bretonne, Bertrand François Mahé - également appelé le comte de La Bourdonnais - a été le premier gouverneur général des Mascareignes de 1733 à 1747.
C'est lui qui a contribué à la modernisation de La Réunion, alors appelée île Bourbon. L'homme a lancé la culture de la canne à sucre à l'île Maurice (alors Isle de France) en créant la première sucrerie de l'île à Pamplemousses. A La Réunion, Mahé La Bourdonnais a développé le port de Saint-Denis ainsi que la ville de Saint-Louis.
Mais au-delà des évolutions commerciales qu'il a apporté à La Réunion, il est aussi directement lié à l'esclavagisme qui a sévi dans l'île jusqu'au 20 décembre 1848 – sans compter l'engagisme.
"A partir de 1735, les gouverneurs La Bourdonnais et Nicolas Tolentino de Almeida entretinrent une correspondance personnelle, développant des relations d’amitié et promouvant un trafic entre les deux colonies pour la satisfaction de leurs intérêts mutuels. Les Mascareignes importaient du Mozambique la main d’œuvre servile. Le Mozambique, les vivres, les armes à feu, la poudre et les munitions" détaille par exemple l'auteur Robert Bousquet dans son ouvrage "Les esclaves et leurs maîtres à Bourbon".
"Mahé de La Bourdonnais fit pratiquer une traite systématique entre le Mozambique et Bourbon : chaque année, deux expéditions fournirent plusieurs centaines d’esclaves" ajoute par ailleurs le portail Esclavage Réunion. Il aussi reprit le trafic entre La Réunion et l'Inde, " et des centaines d’esclaves arrivèrent à Bourbon depuis Pondichéry" détaille le site.
Dans ce contexte, des associations anti-racistes ont déjà demandé le retrait de la statue de Saint-Denis. Elle a d'ailleurs été repeinte en rose en 2021, sans que l'on sache qui est derrière cette action. En 2020, une pétition avait été créée en ligne pour demander son retrait.
ma.m/www.imazpress.com / redac@ipreunion.com