Les syndicats pas convaincus par les "solutions" du ministère : Niveau scolaire en 4ème : La Réunion parmi les mauvais élèves en français et en math
Dans un entretien accordé au "Parisien", le ministre de l’Education Gabriel Attal s’est alarmé lundi des résultats "inquiétants" en français et en mathématiques des évaluations nationales passées en septembre par les classes de 4ème . Une situation qui n’épargne pas La Réunion - l’île se classe en queue de peloton -, et qui inquiète fortement les syndicats enseignants. Mais face au souhait du ministre de créer des classes par niveaux, beaucoup sont perplexes, voire totalement opposés (Photo rb/www.imazpress.com)
Résultats "pas satisfaisants", voire même "plutôt inquiétants" : c'est ainsi que le ministre de l'Education nationale décrit les résultats des évaluations de français et de mathématiques des élèves de 4ème. Et sans surprise, malheureusement, les Académies d'Outre-mer sont dernières de ce classement.
"Pour la première fois, les élèves de 4e ont bénéficié d’une évaluation nationale commune à tous les collèges. Les premières analyses montrent des résultats contrastés selon les secteurs d’enseignement" indique le rectorat de La Réunion.
"Ainsi, des écarts importants sont observés entre les élèves scolarisés en Éducation Prioritaire et ceux du secteur public hors Éducation Prioritaire. Par exemple en français, 14,2% des élèves du secteur public hors Éducation Prioritaire se situent dans le groupe de performance le plus faible. C’est le cas de 38,6% des élèves de REP+ et de 27,2 % des élèves de REP" détaille-t-il.
Même son de cloche pour les évaluations de 6ème : bien que les résultats se soient améliorés depuis 2017, l'Académie de La Réunion reste parmi les académies les plus en difficulté.
"En 6e, les résultats 2023 sont globalement stables en français par rapport à 2022, avec une hausse observée en REP+. Les résultats sont en hausse en mathématiques entre 2022 et 2023, en particulier en REP+" indique le rectorat.
"En comparaison de plus long terme, depuis 2017, les résultats sont en hausse en français comme en mathématiques. En français, la part des élèves dans les groupes de performance les plus faibles est passée de 32 % à 27 % depuis 2017" détaille-t-il.
"Les élèves scolarisés en REP+ sont ceux qui ont le plus progressé en français, permettant ainsi de réduire les écarts : entre 2017 à 2023, le pourcentage d’élèves de REP+ situés dans les groupes de performance les plus faibles est passé de 60,6 % à 52,4 %, soit une diminution de 8,2 points (ce taux est passé de 31,9 % à 27 % pour l’ensemble des élèves, soit une diminution de 4,9 points)."
- Le manque de moyens pointé du doigt -
À La Réunion, si les syndicats observent cette même baisse du niveau, ils ne considèrent pas forcément que les solutions à apporter résident dans la création de classes par niveau pour les matières où les élèves sont les plus en difficulté.
"C'est de la ségrégation, et cela n'aurait aucun effet sur le niveau des élèves, au contraire" estime Eric Dijoux, secrétaire régional de l'Unsa Education. "C'est tout l'inverse du projet de l'Education nationale. En mettant ensemble tous les élèves en difficulté, on faillit à notre mission d'insertion scolaire. On est là pour tout le monde, il faut que les moins doués puissent trouver une compétition pour aller de l'avant" dit-il.
Pour Eric Annonier, secrétaire départemental de Sud Education, le niveau baisse surtout en raison "des réformes successives qui ne visent qu'à supprimer des postes et contractualiser la profession". "Les conditions d'apprentissage ne sont pas bonnes car les classes sont trop chargées et les remplacements inexistants."
"Le niveau est inquiétant, car on ne laisse pas les enseignants faire leur métier" abonde Eric Dijoux. "Il faut arrêter de changer les programmes à chaque nouveau ministre, laisser les enseignants faire la pédagogie et embaucher les agents nécessaires pour les autres missions. Surtout, il faut redonner une dimension humaine à l'enseignement" martèle-t-il.
"Les solutions proposées sont inadéquates, il faudrait peut-être regarder les résultats plus en profondeur et aller chercher le pourquoi du comment : le nombre d'élève par classe, mes personnels mis à disposition (AED, CPE, AESH, infirmiers…), les tâches dévolues aux enseignants…"
De son côté, Jérôme Motet, vice-président du Snalc, n'est pas opposé à créer des classes par niveau. " Il faudrait créer un collège modulaire par niveau avec des classes homogènes pour pouvoir rattraper les lacunes dans ces disciplines" explique-t-il. Cependant, le nerf de la guerre réside à ses yeux dans "l'autorité retirée aux enseignants".
"On a voulu créer une école de la bienveillance, de l'autorité positive, et faire entrer les parents dans le secteur pédagogique. L'Education nationale a banalisé et retiré l'autorité aux enseignants sur l'évaluation des compétences, qui sont importantes au collège. L'enseignant est relégué à la dernière place dans le socle hiérarchique. Il devrait avoir l'autorité sur les évaluations et le passage mais ce sont les parents et la direction qui décident" dénonce-t-il.
"On ne regarde pas le côté structurel de cette baisse de niveau, et on a besoin de rattrapage On a les mêmes baisses de moyen que toutes les académies et cela rend le travail bien plus difficile" souligne-t-il par ailleurs.
- "Coup de comm" –
Globalement, l'interview de Gabriel Attal n'a rien apporté de nouveau aux enseignants, déjà bien au fait des réalités du terrain.
"C'est une opération de communication, on voit bien qu'il cherche à mettre en avant ce qu'il a fait pour l'école primaire et faire croire à tout le monde qu'en changeant le collège on aura de meilleurs résultats" dénonce d'ailleurs Eric Dijoux.
Au cours de cette interview, le ministre a en effet mis en avant les progrès observés chez les élèves du primaire.
"Les efforts engagés pour l’école primaire depuis l’élection du président de la République portent leurs fruits. Les résultats progressent en 6e, c’est-à-dire que le niveau de la "génération 2017", celle qui entrait au CP au début du précédent quinquennat, est meilleur que celui de la précédente, notamment en lecture et écriture" a-t-il déclaré dans les pages du Parisien.
"C'est un coup de pub, pour mettre en valeur ce qu'il fait avec le Pacte enseignant, une façon comme une autre de faire passer la pilule" conclut Eric Dijoux.
as/ma.m/www.imazpress.com / redac@ipreunion.com