Membre à part entière de la famille : Ces chiens et ces chats devenus rois à La Réunion
Chéris comme des membres de la famille ou victimes de maltraitance et d’errance, les animaux de compagnie vivent des réalités opposées à La Réunion. Néanmoins, la tendance semble aller vers une amélioration dans la prise en charge globale. Dans certains foyers, les animaux de compagnie sont même au cœur des préoccupations quotidiennes. Friandises, jeux, services de garde… rien n’est trop beau pour combler ces boules de poils au statut seigneurial (Photo : www.imazpress.com)
"Elles font partie intégrante de notre famille". Maxime, papa réunionnais d'un garçon de 2 ans, parlent de Lassie et Laïka, ses deux petites chiennes qu'il chérit comme sa propre chair. Toutes deux récupérées dans la rue très jeunes, elles ont progressivement pris leur place au sein du foyer familial. C'est sa femme, Lucie, qui l'a convaincu de les adopter pour leur offrir une vie meilleure. "À l'époque nous n'avions pas Noah, notre petit garçon. Mais son arrivée n'a rien changé à l'amour que nous leur portons", confie le couple.
Comme eux, nombreux sont les réunionnais qui se prennent d'affection pour ses compagnons de vie fidèles et aimants. Pourtant, c'est davantage la maltraitance animale qui est mise en avant à La Réunion, un sujet de préoccupation majeur pour les associations de protection animale. La législation s'est d'ailleurs durcie face au phénomène, loin d'être nouveau ou propre au seul département de La Réunion.
- Une amélioration de la prise en charge -
Le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique ou un animal sauvage apprivoisé ou tenu en captivité, est puni de 3 ans de prison et de 45 000 € d'amende. Lorsque les faits ont entraîné la mort de l'animal, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende.
Joëlle Forbes, vétérinaire à la clinique de la Montagne, est revenue à La Réunion il y a 20 ans pour exercer. Selon elle, "pendant longtemps, il a existé une certaine forme de négligence envers l'animal de compagnie, par ignorance." La docteure observe, au fil des années, une nette amélioration dans la prise en charge globale des animaux. "Les enfants jouent un rôle dans cette évolution. Souvent ce sont eux qui veulent des animaux de compagnie et sont volontaires pour s'en occuper."
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En revanche, la vétérinaire constate que la situation peine à s'améliorer en matière d'errance. "Il existe des idées ancrées, comme le fait d'ouvrir le portail et de laisser son chien vaquer à ses occupations. S'ajoutent à cela de vieilles croyances, difficiles à contredire, comme le fait que si une chienne est stérilisée, elle ne tient plus la cour." Un constat que partage Jean Luc Mignot, le président de la SPA de La Réunion.
Selon lui, l'errance ne diminue pas. Elle est au contraire alimentée par le nombre d'abandons qui reste très élevé sur l'île. Dans le même temps, les adoptions sont en baisse de 30%. "Nous enregistrons actuellement 600 adoptions de chiens et entre 750 et 800 adoptions de chats par an, confie le défenseur de la cause animale. Cela correspond au nombre d'animaux que nous récupérons dans les fourrières." Si la majeure partie des adoptions a lieu sur l'île, entre 200 et 250 chiens sont adoptés chaque année grâce à la collaboration avec un refuge dans l'hexagone.
- Une place à part dans les cœurs … et le budget -
Principale raison évoquée par cette baisse significative : le coût des produits d'alimentation et d'hygiène. En effet, l'alimentation de qualité est onéreuse alors même qu'elle a un impact fondamental sur la santé de l'animal. Une alimentation basée sur des produits à bas prix augmente le risque de maladies et donc de visites chez le vétérinaire. Qui elles aussi coûtent chères. En France, c’est en moyenne plus de 900 euros qui sont dépensés chaque année par les propriétaires d'animaux de compagnie pour les soigner et les nourrir.
Les considérations financières sont donc au cœur des préoccupations des familles. Joëlle Forbes témoigne du fait que "de plus en plus de personnes demandent ce que les soins vont coûter". Le paiement en plusieurs fois est très sollicité. Par manque de moyens, des propriétaires font par ailleurs l'impasse sur des vaccins. Un mauvais calcul selon Joëlle Forbes. "Cela coûte plus cher de soigner la maladie que de s'acquitter des frais de vaccin".
Car avoir un animal cela représente un cout et une responsabilité, et ce pendant plusieurs années. Malgré cela, les achats compulsifs de chiens ne diminuent pas. "Des personnes parfois modestes achètent des chiens de race qui valent très chers, explique la vétérinaire. Les chiens de chasse aux tangues coûtent 2000 euros. Est-ce que tous les propriétaires s'en occupent bien pour autant ?", s'interroge la docteure. Joëlle Forbes se félicite cependant des avancées politiques obtenues ces derniers jours.
- Des amendements pour limiter les abandons -
En effet, dans un contexte général de vie chère, notamment à La Réunion, le député REV Aymeric Caron a proposé trois amendements lors de l'examen du projet de loi finances pour 2025. Deux d'entre eux ont été adoptés par l'Assemblée nationale. Le premier fait passer de 20 à 5,5% la TVA sur la nourriture et les produits d'hygiène pour les animaux et sur les produits et prestations vétérinaires.
Ces mesures visent directement à lutter contre les abandons d'animaux pour des raisons financières et à faciliter les adoptions dans les refuges. Le second permet d'exonérer les refuges et associations de protection animale de TVA pour les produits d'alimentation et d'hygiène et pour les produits et prestations vétérinaires. L'État aimerait compenser les pertes par des taxes sur les expérimentations animales et sur les chasseurs.
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Cette baisse de la TVA permettrait à la SPA d'économiser 2,5 millions d'euros par an. Une excellente nouvelle pour Jean Luc Mignot qui espère néanmoins "que les enseignes vont jouer le jeu et ne pas en profiter pour simplement augmenter leurs marges." En effet, c'est la condition sine qua non pour alléger le budget des ménages et encourager l'adoption. Car de plus en plus de familles, faute de moyens, préfèrent ne pas prendre d'animaux de compagnie.
"L'animal adopté fait partie intégrante de la famille, ajoute le président de l'association. Son arrivée est réfléchie. Nous passons beaucoup de temps avec les personnes qui adoptent pour expliquer les besoins de chacun et pour nous assurer que toutes les conditions sont remplies pour le bonheur de l'animal." Une notion de bonheur qui se mesure également par l'essor du pet-sitting sur l'île. Sur le site de France travail, les annonces pour créer son entreprise individuelle et devenir Pet Sitter indépendant fleurissent et concernent toutes les villes du Département.
- Faire garder son animal, une pratique qui se développe -
Pets-service 974 a initié les services de garde d'animaux sur l'île il y a 13 ans. La société constate que la demande augmente. Pour y répondre, des personnes proposent leurs services illégalement via des offres sur les réseaux sociaux, sans être ni déclarés, ni formés. Un risque que Solène, habitante de Saint-Gilles, n'a pas souhaité prendre. Cela fait deux ans qu'elle a recours aux services d'une pet-sitter indépendante pour venir s'occuper de ses trois chats lorsqu'elle n'est pas à la maison.
"J'ai une totale confiance en elle, confie-t-elle. Mes chats ont pris l'habitude qu'elles viennent les visiter en mon absence, que ce soit pour donner de la nourriture, renouveler l'eau, administrer un médicament ou simplement leur apporter un peu de compagnie." Pour être rassurés, de plus en plus de propriétaires d'animaux investissent également dans des caméras. Et la technologie ne manque pas d'idées. Certains dispositifs permettent désormais de parler à l'animal à distance et même de lui distribuer des croquettes sur demande. Pour les chats, les caméras peuvent intègrer des jeux pour éviter que les animaux ne s'ennuient.
- Animaux rois ... et stars des réseaux -
Des dispositifs qui coutent chers mais qui peuvent rassurer les propriétaires. Arbres à chat, jouets, friandises, accessoires… gâter son animal de compagnie c'est aussi se faire plaisir à soi-même. Marielle Maillot, propriétaire du salon de toilettage l'îlot toutous à Saint-Denis, constate que la demande en matière d'esthétisme est aussi croissante.
Installée depuis 1994, elle possède une clientèle d'habitués. Ce ne sont pas moins de trois générations qu'elle voit défiler depuis 30 ans. S'ajoutent aux fidèles, une nouvelle clientèle, avec des demandes un peu différentes mais avec la même considération pour leurs animaux. "Tous ceux qui viennent chez moi portent un amour inconditionnel à leurs compagnons de vie, confie la toiletteuse. Ils voient la considération que je porte aux animaux, donc ils se sentent à l'aise pour parler librement de l'amour qu'ils ont pour eux."
Des propriétaires qui, à La Réunion comme ailleurs, n'hésitent pas à afficher leurs compagnons. À ce titre, le nombre de vidéos d'animaux sur les réseaux a explosé. Conseils, humour, tendresse, analyses comportementales… les animaux sont également les rois sur les réseaux. Certains deviennent même des "stars" et sont suivis quotidiennement par plusieurs millions de followers. Les influenceurs n'hésitent pas non plus à montrer leur sempiternelle passion pour leurs animaux de compagnie. Et leur chagrin après une perte.
- Perdre son animal, ça fait mal -
La SPA de La Réunion constate d'ailleurs que de nombreux adoptants viennent après la perte d'un animal. Jean Luc Mignot juge que "c'est souvent une manière de combler la tristesse, même si l'adoption n'est pas forcément immédiate juste après la perte. Il y a souvent une période de deuil, et le sentiment de trahir son animal décédé en le "remplaçant" trop rapidement."
Le deuil est d'ailleurs, lui aussi, un sujet de moins en moins tabou. Nombreux sont les propriétaires à garder, pendant des années, une gamelle de nourriture, un collier, ou un morceau de crin de cheval. Souvent moquée, la tristesse après la perte de son compagnon tend peu à peu à se normaliser. Même si à La Réunion, le deuil est compliqué par la règlementation. Contrairement à d’autres pays, l’enterrement dans un caveau familial n’est pas autorisé en France.
Jeter la dépouille dans une poubelle, un égout ou tout autre lieu est interdit et peut être puni d'une amende de 3 750 €. Il est également interdit d'enterrer soi-même un animal, notamment dans son jardin. Le règlement sanitaire départemental, datant de 1992, oblige à enterrer les dépouilles à plus de 35m des habitations, avec certaines précautions.
- Toujours pas de cimetières, ni de crématorium animaliers sur l'île -
En dehors de cela, l’enterrement des animaux est uniquement autorisé dans les cimetières animaliers. Mais il n'en existe pas à La Réunion. Pas plus que de crématorium pour les animaux de petite taille. Reste l'équarrissage, qui oblige à se séparer de la dépouille chez le vétérinaire ou en la déposant dans les fourrières. Le président de la SPA sait à quel point le deuil est encore compliqué par l'impression "d'abandonner" l'animal en confiant la dépouille à un tiers.
Manuréva Lebreton, vétérinaire à domicile, est-elle régulièrement contactée pour des fins de vie à la maison. Les propriétaires apprécient que "leurs animaux partent de façon apaisée, dans leur environnement, chez eux". Depuis plusieurs années, elle porte un projet de crématorium. Mais sans succès.
En effet, il existe de nombreuses contraintes réglementaires liées notamment au site d'implantation. Un lieu semblait correspondre mais au cours des études, il s'est avéré que certains critères n'étaient pas respectés. Un autre site d'implantation a été trouvé dans le Sud de l'île, mais la mairie l'a immédiatement préempté. À l'heure actuelle le projet est à l'arrêt. Au grand regret de nombreux propriétaires d'animaux qui souhaiteraient davantage d'implication des pouvoirs publics sur le sujet.
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