Océan Indien par Imaz Press, lundi 20 novembre 2023 à 13:54

Santé : Deux tiers des bâtiments publics de La Réunion ont de l’amiante dans leurs murs

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À La Réunion, deux tiers des bâtis publics ont de l’amiante dans les murs. 30.000 logements sont d’ailleurs diagnostiqués comme en ayant... mais bien d’autres en ont, sans forcément le savoir. Parmi les bâtiments concernés, la cathédrale de Saint-Denis. Bâtie au 19ème siècle, l’édifice religieux – classé au titre des monuments historiques – se refait actuellement une beauté.... et une santé. Et pour cause, alors que le chantier de restauration est lancé, de l’amiante a été détectée dans les peintures. C’est alors engagé un vaste chantier pour désamianter le monument. Une procédure qui ne s’improvise pas (Photo : sly/www.imazpress.com)

La raison de cette présence d'amiante dans notre département : près de 47% des logements ont été construits entre 1971 et 1991, période de construction la plus intense de l’île. Or avant, l'amiante était autorisé.

Hormis la cathédrale de Saint-Denis, actuellement en travaux, "il y a énormément de bâtis – surtout historiques - concernés par l'amiante en plus ou moins grande quantité", explique Violaine Bressant, ingénieure du patrimoine à la direction des affaires culturelles (DIAC). Écoutez :

"On retrouve ce matériau essentiellement dans les anciens bâtiments, certaines écoles, au niveau des conduits d'immeubles ou encore dans les murs, les faux-plafonds et dans les plaques de fibrociment", indique Laurence Alamelou de l'Agence départementale d'information sur le logement (ADIL).

"Il faut savoir qu'à l'époque, l’amiante était utilisé comme "fibre isolant" dans la construction, donc fréquemment utilisé en complément d’autres matériaux."

À cette même question, Guerric Mercier, chef d'agence et responsable technique amiante chez Valgo répond :"tout est relatif. Un bâtiment construit avant 1997 est susceptible d'en contenir. Valgo évacue en moyenne 100 tonnes par an d'amiante des chantiers à La Réunion."

La CNL précisant d'ailleurs que l'amiante qui se trouve dans les logements n'est pas forcément dangereuse. "Si le logement n'est pas dégradé, qu'il n'y a pas de travaux, que c'est sous les carreaux, du moment que ce n'est pas cassé il n'y a pas de danger."

À l'inverse, "les matériaux et produits amiantés peuvent libérer des fibres d’amiante en cas d’usure anormale ou lors d’interventions dégradant les matériaux (perçage, ponçage, découpe, friction...)", précise l'Agence régionale de santé.

"Les fibres d'amiante sont constituées de filaments très fins et fragiles, invisibles dans les poussières. Lorsqu'elles sont inhalées, elles se déposent dans les poumons et peuvent provoquer de graves maladies respiratoires : plaques pleurales, cancer du poumon ou de la plèvre (mésothéliome), mais aussi cancer du larynx et des ovaires. Ces maladies se déclarent jusqu’à 30 ou 40 ans après le début de l'exposition, souvent professionnelle, aux fibres d’amiante", souligne l'ARS.

L'amiante a d'ailleurs été classé cancérigène par l'OMS en 1977 et interdite en France seulement en 1997.

- Un diagnostic désormais obligatoire -

Mais alors comment savoir s’il y a de l’amiante chez soi ?

"La constitution d’un Diagnostic Technique Amiante (DTA) est obligatoire pour les propriétaires d’immeubles bâtis, dont le permis de construire a été délivré avant le 1er juillet 1997. Ils doivent mettre à jour les dossiers regroupant toutes les informations relatives à ces matériaux et produits, et doivent communiquer la fiche récapitulative du diagnostic technique amiante (DTA) aux occupants de l’immeuble concerné", indique l'ARS.

L’intervention directe par des particuliers sur des matériaux amiantés est fortement déconseillée notamment sur les flocages et les calorifugeages. Il convient de faire appel à des entreprises qualifiées.

Et pourtant, peu de gens le savent. Toutefois, la loi l'oblige. "L'ensemble des propriétaires doivent – s'ils louent ou vendent leur bien – informer de la présence ou non d'amiante dans les habitations et les parties communes", ajoute la CNL. Et ce, après avoir effectué un diagnostic amiante.

À savoir que si le diagnostic n'est pas fait et que lors de travaux de l'amiante est découverte, le propriétaire peut être condamné.

"Et à La Réunion, bien souvent, les locataires ne savent pas qu'ils ont de l'amiante chez eux", déplore Erick Fontaine. Et c'est sur ce point que tente d'alerte la Confédération nationale du logement.

"Ce sujet doit être pris au sérieux par les bailleurs privés et sociaux ainsi que l'État."

- 30.000 bâtis amiantés... dont la cathédrale de Saint-Denis -

À La Réunion, nous vous le disions, deux tiers des bâtis publics seraient concernés. 30.000 bâtis sont d'ailleurs diagnostiqués comme ayant de l'amiante.

Parmi ces bâtiments, la cathédrale de Saint-Denis – actuellement en travaux.

Le chantier a débuté par un important dispositif de confinement des façades de la cathédrale. C'est d'ailleurs pour cela que les échafaudages ont été complètement recouverts d'une bâche blanche thermosoudée et d'une double peau interne en polyane (comme du film plastique).

Un test a également été réalisé à l'aide de fumée pour s'assurer que le confinement est étanche. Les fibres d'amiante étant volatiles, la zone confinée est mise en dépression grâce à des extracteurs d'air équipés de puissants filtres. L'air filtré à la sortie est analysé en permanence.

"Il n'y a donc aucun risque que ces fibres s'envolent dans l'air", indique Violaine Bressant, ingénieure du patrimoine à la direction des affaires culturelle (DIAC).

L'opération de désamiantage des façades consiste à retirer la toile de verre recouverte de peinture blanche qui contient de l'amiante.

Mais alors, à quel moment l'amiante a-t-il été découvert dans la cathédrale ? "On a réalisé un diagnostic avec prélèvement de matière pour restaurer la cathédrale et c'est là que nous avons découvert la présence d'amiante dans les peintures", explique Violaine Bressant. Écoutez :

Après les travaux de désamiantage - prévues début décembre, "vous ne retrouverez plus la cathédrale comme avant, elle va revenir à sa couleur originelle qui était le jaune". Des travaux de restauration qui devraient être terminés d'ici septembre à novembre 2024.

- Désamianter... mais pas n'importe comment -

Mais concrètement, désamianter tout un bâtiment, sans risquer de nuire aux résidants ou aux personnes se rendant sur les lieux demande de prendre certaines précautions.

"Tout d'abord, pour faire du désamiantage il faut que l'entreprise soit certifiée", explique Jonathan Zilmia, patron de l'entreprise Dézamiantage basée à Saint-André.

"Lors de la période de préparation, l'entreprise de désamiantage élabore un plan de retrait amiante", explique Jonathan Zilmia. Ce document technique est ensuite soumis au contrôle de l'inspection du travail et de la médecine du travail afin de garantir la protection des travailleurs et intervenants au chantier. Mais aussi la protection des tiers.

L'entreprise y rappelle la règlementation et les textes de référence, précise les méthodologies, les processus de retrait de l'amiante, la matériel, les équipements de protection utilisés, le temps de travail mais également la procédure de gestion des déchets. "On ne peut pas commencer le chantier sans cela", ajoute le patron de Dézamiantage.

Une fois que tout est validé, "on installe le chantier, protège les zones, met en place le confinement". "On rend étanche notre zone et on met sous dépression avec des extracteurs d'air qui vont aspirer l'air dans la zone", poursuit Jonathan Zilmia.

Chaque opérateur doit d'ailleurs porter un équipement de protection parfaitement étanche pour qu'il ne puisse en aucun cas respirer ces poussières contenant de la fibre d'amiante. Cela comporte une combinaison jetable, des couvres bottes, des gants ainsi qu'un masque à ventilation assistée.

Toutes les jonctions de la tenue sont collées avec des bandes adhésives pour une parfaite étanchéité.

À la fin de chaque vacation, l'opérateur suit un parcours strict de décontamination, composé de cinq sas. La zone rouge : l'opérateur conserve son équipement, passe l'aspirateur sur sa tenue et son masque. L'opérateur se douche en conservant sa tenue, puis jette sa tenue dans des sacs spécifiques. Zone verte : l'opérateur peut enlever son masque.

À savoir que "toute l'eau qu'on a utilisé est filtrée pour ne pas polluer l'eau dans le circuit".

Lorsque la zone est considérée comme exempte d'amiante, des prélèvements sont analysés. Si tout est ok, les entreprises de maçonnerie, de peinture et de menuiserie peuvent intervenir et "le client peut reprendre possession de son bien".

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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