Océan Indien par Imaz Press, jeudi 19 septembre 2024 à 21:06

Stupéfiants : Addictions : la consommation de coke explose à La Réunion

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Pendant longtemps, le prix élevé de la cocaïne à La Réunion a limité sa disponibilité sur l’île. Ce temps est révolu : la demande augmente, les volumes grimpent, la consommation devient grand public. Le point sur ce phénomène avec des médecins addictologues (Photo rb/www.imazpress.com)

Ce jeudi 12 septembre 2024, le directeur régional de l’Agence Régionale de Santé (ARS), à l’occasion d’un point presse, alertait sur un phénomène préoccupant : la montée des hospitalisations en service addictologie de consommateurs de cocaïne.

Un indicateur qui vient confirmer une tendance qui s’accélère depuis 5 ans au moins. Le nombre et le volume des saisies augmentent de manière quasi exponentielle : 16 kg en 2022, 30 kg en 2023, 19 kg pour les 6 premiers mois de l’année 2024, selon les chiffres des Douanes. Sachant que les experts estiment que les saisies représentent entre 10 et 30% de ce qui entre effectivement sur le territoire, cela pourrait représenter entre 150 et 400 kg de "C" à vendre sur l’île cette année. Soit entre 150.000 et 400.000 grammes.

À 150 euros le gramme on obtient un marché représentant entre 22,5 et 60 millions d’euros a minima. On comprend mieux pourquoi des mules avec des faux compartiments de valises ou de vrais intestins remplis de la fameuse poudre blanche se font arrêter à l’aéroport Roland Garros de plus en plus souvent.

Les détentions dans les prisons de l’île de dealers, réels ou supposés, sont également en forte augmentation. Ce n’est plus une mode, c’est un véritable changement sociétal.

"On est passé d’une consommation occasionnelle, festive, par des VIP, le monde de la nuit, des chefs d’entreprises aisés dans l’Ouest à une consommation régulière, voire addictive, partout sur l’île, y compris dans les hauts, par toutes les CSP, tout type de public, y compris des jeunes dans les quartiers", confirme le Dr David Mété, chef du secteur addictologie du CHU de Saint-Denis.

Il poursuit : "deux phénomènes sont plus inquiétants : les utilisateurs qui sniffent partagent souvent les pailles ou les billets de 50 €, ce qui augmente le risque de transmission d’hépatite (B ou C). Surtout, les jeunes qui n’ont pas les moyens de se payer un gramme de coke la fume sous forme de crack" - ce qu’on appelle de la coke "basée" après ajout d’une base de bicarbonate de soude ou d’ammoniac.

Le Docteur Mété est catégorique : "le crack génère des effets intenses, des addictions sévères, très rapides, avec des conséquences financières et comportementales graves : accès de violence, paranoïas, dépressions…".

Au-delà de situations personnelles dramatiques, c’est en effet tout un secteur économique qui s’est progressivement créé autour de la C : pour un importateur, comptez une poignée de grossistes, une dizaine de semi-grossistes, plusieurs dizaines de détaillants, les transporteurs, les livreurs… mais aussi les "simples- consommateurs-qui-commandent-pour-les-copains-pour-se-payer-leur-dose".

Un phénomène connu depuis longtemps en métropole sur le marché de la cocaïne, comme ceux du shit ou de l’Exctasy. Selon un consommateur régulier, "entre Le Chaudron et le Moufia, une dizaine de petits commerces fournissent du crack au gramme à qui le demande". Ces "cailloux" sont beaucoup moins chers parce que le produit est coupé, mais les effets sur la santé et l’environnement (famille, quartier) sont plus dévastateurs.

David Mété rappelle cependant que si la cocaïne progresse fortement à La Réunion, le produit concerne beaucoup de moins de personnes que l’alcool et le tabac. "80% de nos consultations en addictologie relèvent de ces 2 produits, contre 4% pour la cocaïne".

Le reste se partage entre les addictions aux opiacés, à d’autres médicaments détournés ou encore au jeu.

xl/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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