Surpopulation carcérale : À La Réunion, les prisons sont surpeuplées et les surveillants sont en sous-effectif
Au 1er novembre 2023, la France a battu de nouveaux records en nombre de personnes incarcérées avec 75.130 prisonniers. Un chiffre qui explose alors que les prisons françaises ne disposent que de 61.000 places. La Réunion n’est pas épargnée, nous vous l’évoquions il y a déjà plus de sept mois et même auparavant… et depuis la situation n’a pas évolué en mieux, elle a même empiré. A La Réunion plus de 1.200 personnes s’entassent dans les prisons, avec peu de personnels pour les surveiller (Photo rb/www.imazpress.com)
"L'établissement le plus en difficulté est le centre pénitentiaire de Domenjod", Vincent Pardoux, représentant syndical de FO pénitentiaire.
À Domenjod, "on a atteint 140% de surpopulation dans le quartier hommes majeurs". "Ce qui nous oblige à faire dormir près de 70 prisonniers sur des matelas au sol", ajoute-t-il.
Pour bien comprendre, au centre pénitentiaire de Saint-Denis, qui compte 560 places, sont incarcérées 760 personnes. "L'année dernière on comptait 500 détenus, cette année c'est 200 personnes en plus."
Des détenus qui dorment au sol et qui sont même à trois dans des cellules ne pouvant accueillir que deux prisonniers en temps normal.
Le quartier femme lui est à un taux de 200% de surpopulation, "le quartier est archi complet".
Dans le Sud, à Saint-Pierre, même constat. "L'établissement accueille 137 détenus pour 114 places et là encore la situation est différente puisque les prisonniers sont dans des dortoirs de 16 personnes."
Au Port, établissement pour purger sa peine, "on ne peut normalement pas aller au-delà de 98% de taux d'occupation et là on est à 100%", indique Vincent Pardoux.
Ce que ne comprend pas non plus le représentant syndical, "c'est qu'à Domenjod, on a 108 détenus condamnés à des peines de moins d’un an alors qu'il existe des aménagements de peine".
L'agent pénitentiaire le dit, "le surencombrement est devenu une normalité".
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- Des prisons qui bouillonnent -
Une suroccupation qui entraîne de nombreux incidents au cœur des prisons réunionnaises.
Bagarres, trafic de drogue, agressions… sont devenus le lot quotidien des agents de l'administration pénitentiaire.
"Dans nos établissements, des chefs de bandes se mettent en place et rackettent les autres détenus en les obligeant à aller récupérer les colis venus de l'extérieur", explique Vincent Pardoux.
"Un système parallèle qu'on n'arrive pas à canaliser et qui entraîne des incidents graves entre détenus et parfois même des agressions envers les agents eux-mêmes."
À Domenjod, en novembre, un important trafic de stupéfiants a été démantelé avaient révélé nos confrères du Journal de l'Île. Ce Toutes les personnes impliquées ont été mises en examen. Parmi la drogue qui circulait, de la cocaïne.
"À la mi-novembre, on a déjà fait plus de 400 saisies de colis envoyés de l'extérieur", raconte Vincent Pardoux. Des paquets comportant de la drogue – parfois fatale comme ce fut le cas pour un jeune détenu de 22 ans. Six autres détenus avaient eu été placés dans le coma. Dans ces colis, on y retrouve également de l'alcool, des téléphones.
Au Port, "les détenus s'attaquent à l'aide d'armes artisanales comme des brosses à dents aiguisées". "Tout peut devenir une source à problèmes."
"C'est une vraie cocotte-minute dans les établissements", alerte le représentant syndical.
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- Des effectifs qui ne cessent de diminuer -
Une cocotte-minute difficile à canaliser tant les prisons réunionnaises manquent d'effectifs. "On se retrouve avec des structures en grande souffrance en termes de personnel", note Vincent Pardoux.
"On n'a jamais eu autant de détenus et aussi peu de surveillants. Les effectifs sont en baisse perpétuelle avec des départs à la retraite non remplacés, des mutations faites mais pas à La Réunion."
"On est constamment rappelé sur nos jours de repos, on est sous tension", lance le représentant syndical.
Au 1er novembre, plus de 75.000 personnes étaient incarcérées pour seulement environ 61.000 places disponibles sur toute la France.
La surpopulation carcérale, problème persistant en France, pèse sur la politique d'exécution des peines d'incarcération qui coûte "environ 4 milliards d'euros" par an, pointait le mois dernier la Cour des comptes. Le fonctionnement actuel du système carcéral "n'est pas satisfaisant", estimait la Cour.
C'est d'ailleurs pour cela qu'à plusieurs reprises, la France a été épinglée par la Cour européenne des droits de l'homme.
La dernière condamnation en date remonte au 6 juillet, émanant de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
Il faut "l'inscription dans la loi" d'un dispositif permettant de maîtriser la surpopulation carcérale, a prôné de son côté la contrôleure générale des prisons (CGLPL) Dominique Simonnot dans un avis publié mi-septembre au Journal officiel.
"Au-delà du caractère impersonnel des statistiques, les constats effectués par le CGLPL dès 2012 dans son avis sur la surpopulation carcérale, et plus encore après la fin de la crise sanitaire, montrent que les conditions de détention se dégradent dans toutes leurs dimensions, en même temps que les conditions de travail du personnel pénitentiaire", a mis en avant Dominique Simonnot.
S'il est d'accord sur le constat d'une surpopulation carcérale, le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a son avis sur les moyens d'y remédier. "La première solution pour lutter contre la surpopulation carcérale est de construire de nouvelles places opérationnelles de prison", a-t-il écrit dans des observations jointes à l'avis du CGLPL.
Nouvelle concrétisation du plan 15 000 places, le centre pénitentiaire de Caen-Ifs a été mis en service le 3 décembre :
➕ 282 places créées, pour une capacité de 551 au total
✅Une meilleure prise en charge des détenus
✅De meilleures conditions de travail pour les personnels pic.twitter.com/g3sf8txCre
— Ministère de la Justice (@justice_gouv) December 4, 2023
Le gouvernement table sur la construction de 15.000 nouvelles places de prison d'ici à 2027.
ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com