Surprescription, auto-médication : Face aux "petits" virus et bactéries, les médicaments peuvent vous rendre (encore) plus malades
Fièvre, nez qui coule, maux de tête, courbatures, toux... cela fait plusieurs semaines que certains Réunionnais enchainent les petits virus et les bactéries. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. D’après le dernier point de Santé publique France, les cas de gastro-entérites aiguës et les infections respiratoires aigües s’intensifient. La faute au temps certes, avec du froid, du chaud, du vent, peut-être aussi aux antibiotiques - surprescrits ou pris en auto-médication-, ce qui rend les virus et les bactéries beaucoup plus résistants (Photo www.imazpress.com)
Cela fait plusieurs semaines que Carole traine sa toux. Si elle avait l'impression de se sentir mieux, deux semaines plus tard, la toux revient de plus belle. La mère de famille se sent épuisée. Entre fatigue et prise de médicaments pour aller mieux, elle a l'impression d'être perpétuellement malade.
En effet, en cette période d'hiver austral à La Réunion, il y a une forte circulation des souches virales et bactériennes contagieuses.
"Si elles sont plus contagieuses, elles sont moins sévères hormis pour les personnes fragiles et/ou souffrant de comorbidité", souligne le professeur Xavier Deparis, directeur de la veille et de la sécurité sanitaire à l'ARS.
Selon les derniers chiffres de Santé publique France, du 9 au 15 septembre 2024, "en médecine de ville, la part d’activité des infections respiratoires aigües (IRA) continue d’augmenter avec 5,9% de l’activité totale". Une activité qui se situe au-dessus du niveau de la moyenne 2013-2023.
De même que les passages aux urgences tous âges pour un motif de gastro-entérite étaient en augmentation (+29%).
- Stop à la surprescription ou à l'automédication -
Son armoire à pharmacie déjà pleine de médicaments et parfois d'antibiotiques prescrits lors d'une précédente consultation pour les mêmes symptômes, Carole, a fait le choix de ne pas consulter et de se soigner par elle-même.
Là fut certainement son erreur.
"La surprescription, la surutilisation d'antibiotiques et l'automédication ce n'est pas bon", lance le directeur de la veille sanitaire à l'ARS. "Cela permet aux bactéries qui ont la capacité de s'adapter aux médicaments de devenir résistantes à ces antibiotiques."
"Pour éviter cela, il faut avoir une grande vigilance sur l'utilisation des antibiotiques", prévient-il.
"Les Réunionnais ont l'habitude de se faire prescrire des antibiotiques à la moindre fièvre. Il faut que cela s'arrête pour la santé de tous."
À La Réunion, il existe d'ailleurs un centre régional d'antibiothérapie avec, comme mission, d'information les professionnels de santé. "Il faut leur donner les bonnes pratiques car quand on va voir un médecin pour un rhume ou un syndrome grippal et ressortir sans antibiotiques c'est bien", ajoute Xavier Deparis.
- L’antibiorésistance, une problématique bien présente à La Réunion -
S'il n'y a pas "de notion de virus plus virulents les bactéries le sont davantage", indique le professeur Xavier Deparis. Pour comprendre, lorsque l'on attrape le virus de la grippe, du rhume ou autre, le virus nous infecte et nous rend malade. C'est là que la bactérie vient surinfecter.
"La Réunion a effectivement de plus en plus de bactéries résistantes", confirme le Docteur Rodolphe Manaquin, infectiologue au CHU. Si "elles ne sont pas forcément plus virulentes, elles sont plus difficiles à traiter".
Et pour cause, généralement lorsque l'on est malade on prend ou l'on se fait prescrire des antibiotiques. Des antibiotiques qui, face à ces bactéries ne sont plus si efficaces, d'où la sensation de ne pas guérir.
"Les bactéries sont de plus en plus résistantes, en lien avec l’usage des anti infectieux en santé humaine, animale et environnementale", ajoute l'infectiologue.
Il faut savoir que les antibiotiques sont prescrits pour soigner les infections d’origine bactérienne. S’ils sont généralement efficaces, une étude publiée dans The Lancet démontre que d’ici à 2050, la résistance à ces médicaments pourrait causer le décès de 39 millions de personnes.
Cette antibiorésistance peut devenir une véritable menace pour la médecine moderne et un véritable enjeu de santé publique.
"C’est un risque majeur pour les années à venir. C’est pour cela que c’est une priorité de santé OMS", alerte Rodolphe Manaquin.
On rappelle que la grande majorité des infections et des maladies de l’hiver sont virales et non pas bactériennes, ce qui signifie que les antibiotiques ne sont pas nécessaires pour les traiter.
Même si les symptômes ou la douleur causée par une maladie ont disparu au bout de trois jours, si la prescription est de six jours, il faut impérativement aller jusqu’au bout du traitement.
Par ailleurs, il est important de ne pas jouer à l’apprenti docteur et de prendre un antibiotique qui n’a pas été prescrit pour soigner une infection parce qu’il est possible de se tromper de diagnostic. On évite donc l’automédication.
D’où l’importance de suivre la très célèbre expression, "les antibiotiques, ce n’est pas automatique".
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