Un phénomène en inquiétante augmentation : Mal-être : la fugue est (parfois) la seule échappatoire pour les ados en souffrance

Le 25 mai 2023, la fondation Droit d’Enfance – qui gère le numéro d’urgence 116.000 Enfants disparus - a dévoilé un rapport qui recense 43.202 signalements de disparitions de mineurs en 2022. Dans 95% des cas, il s’agit de fugues. Un phénomène en inquiétante augmentation. La Réunion n’est pas épargnée. Chaque semaine, sur les réseaux sociaux, défilent les visages de ces jeunes portés disparus. Des jeunes qui, face au harcèlement, à un mal-être, n’ont trouvé que la fuite comme solution (Photo : www.imazpress.com)
Roxanne, Nayoumina, Orlane, Estelle…, voici les noms de certains jeunes adolescents et jeunes adolescentes que leurs proches ont signalé comme disparu sur les réseaux sociaux. Disparu 974 ou encore Alerte disparition 974 sont d'ailleurs parfois leur ultime moyen de lancer un appel à l'aide.
Prescilla Coindin est l'administratrice de la page Disparu 974. Sur sa page, elle relaye les signalements pour disparition. "J'ai créé ma page lorsqu'une petite cousine à moi avait fugué. Personne ne savait où elle était", nous raconte-t-elle. "Au final, "il s'est avéré qu'elle voulait juste s'installer avec son petit copain".
"Quand j'ai vu la réactivité des gens et les partages, je me suis dit que j'allais créer cette page pour aider d'autres personnes", explique Prescilla Coindin.
Une page grâce à qui, des personnes et de jeunes fugueurs ont pu être retrouvés sains et sauf.
À noter que les parents doivent rapidement prévenir les forces de l'ordre et qu'il est interdit d'héberger un mineur sans le consentement avéré des parents. Si l'adulte hébergeur pense l'enfant en danger dans sa famille, il doit appeler la police qui avisera une place en foyer d'urgence ou discutera avec la famille pour faire héberger l'enfant chez des amis ou une connaissance de confiance.
Le ministère de l’Intérieur a d'ailleurs émis des consignes claires en cas de disparition d’un enfant mineur.
Si votre enfant a disparu et que vous n'arrivez pas à le contacter, vous devez tout d'abord le rechercher auprès de ses amis, de vos voisins, des membres de votre famille.
Vous devez également le rechercher dans les lieux qu'il a l'habitude de fréquenter (parc, terrain de jeux,...).
Vous pouvez contacter son établissement scolaire ou le lieu qui en a la garde (exemples : centre aéré, club de sport).
Il est conseillé de vous renseigner sur l'horaire auquel votre enfant est reparti seul.
De même, en cas de fugue, il est recommandé de vérifier si votre enfant est parti avec des affaires (pièce d'identité, argent, vêtements, sacs, téléphone portable,...).
- De plus en plus de fugues à La Réunion -
Dans notre département, chaque disparition de mineur, qu'elle soit une fugue ou non, donne lieu à l'ouverture d'une procédure. "Ce sont des procédures qui donnent toujours lieu à investigations car la fugue d'un mineur est traitée en événement inquiétant", nous indique Véronique Denizot, procureure de Saint-Denis.
Des fugues que le parquet traite en nombre important. "Il s'agit souvent d'adolescents – parfois jeunes – de mineurs placés ou en difficultés, mais pas seulement", explique-t-elle. "Souvent, nous sommes saisis de disparitions inquiétantes alors que le mineur a "seulement" oublié de dire où il allait", souligne Véronique Denizot.
Dès lors qu'ils disparaissent, une procédure est donc enclenchée. "On les inscrit au fichier des personnes recherchées et de suite on va essayer de les retrouver, de les géolocaliser", indique Caroline Calbo, procureure de Saint-Pierre. "On essaye de voir avec ses proches si elle (la personne) était en conflit, ce qu'elle a dit en partant", ajoute la procureure du parquet du sud de l'île.
Des fugues qui, dans la majorité des cas, se terminent bien. "Généralement on retrouve le fugueur dans les 24 heures", indique Caroline Calbo.
Une fois retrouvé, l'adolescent ou l'enfant est entendu. "On lui demande s'il n'y a pas eu d'événements inquiétants ou d'incidence en classe", précise la magistrate.
De plus, "les procédures établies – réduites en actes lorsque le ou la mineur(e) est retrouvé(e) rapidement – donnent lieu ne fonction des éléments recueillis à évaluation ou transmission au service compétent déjà saisi si le mineur est suivi", ajoute Véronique Denizot.
À noter qu'à La Réunion, "pour 775 signalements, la gendarmerie est effectivement engagée à 350 reprises au cours d'une année pour les fugues.
Il est d'ailleurs important de différencier la fugue du fait de "faire le mur". "Le fugueur ne revient pas au petit matin et le mal-être laisse craindre une mise en danger (risque d'agression, suicide, consommation de toxiques...)", précise le docteur David Goulois, psychologue clinicien.
- La fugue, un indicateur signifiant du mal-être des adolescents -
Mais pourquoi nos jeunes fuguent-ils ? "Il y a des jeunes qui fuguent ici comme partout", souligne le docteur David Goulois, psychologue clinicien.
"Ce qui est évoqué dans la majorité des cas, c'est un mal-être familial et les difficultés relationnelles classiques à l'adolescence", précise le docteur.
"Mais cela peut aussi être pour le désir de rejoindre un amoureux, une amoureuse, l'envie de se prouver qu'on peut se gérer seul ou encore l'influence du groupe d'amis."
Il y a des jeunes aux profils plus à risques : "trouble psychiatrique, handicap mental, déscolarisation (hors raison médicale) et souvent de pair la rupture de confiance avec les adultes, profil HPI (haut potentiel intellectuel, aussi désigné comme "surdoué"), présence de violences intra-familiales...", note le professionnel de santé.
Quoi qu'il en soit, ces fugues témoignent d'un "besoin d'émancipation exacerbé chez le jeune, le sentiment d'une oppression en lien souvent avec des problèmes de communication au sein de son foyer", note le docteur David Goulois. "L'adulte peut avoir des difficultés à comprendre les besoins de l'ado, mais aussi inversement."
"La prise en charge psychologique de la famille (et non seulement du jeune) est, dès son retour, fortement recommandé", conclut le docteur David Goulois.
- 95% des disparitions de mineurs sont des fugues -
En 2022, les forces de l'ordre ont recensé 43.202 signalements de disparitions de mineurs partout en France. La fondation Droits d'Enfance évoque même "un enfant signalé disparu toutes les 12 minutes". Mais cela ne concerne que marginalement les disparitions jugées inquiétantes.
Dans 95% des cas, les disparitions sont liées à des fugues.
La fondation alerte d'ailleurs sur un rajeunissement inquiétant des enfants présentés comme fugueurs. Le nombre de fugueurs de moins de 15 ans a augmenté de 3,6% entre 2018 et 2022 pour constituer 37% des signalements de fugues.
En 2022, 43 202 disparitions de mineurs ont été signalées en France (fugues, disparitions
inquiétantes, enlèvements parentaux).
Le 116 000 est là pour aider leurs familles.
A l’occasion de la Journée Internationale des #EnfantsDisparus, faisons connaître ce numéro
d’urgence. pic.twitter.com/ZjGf5CnlVb
— 116000 Enfants Disparus (@116000FRANCE) May 25, 2023
Pour rappel, le numéro d’urgence européen 116 000 est ouvert 24h/24 et 7j/7, c’est un service qui accompagne chaque année des centaines de familles victimes de disparition d’enfant.
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