Océan Indien par Imaz Press, jeudi 16 novembre 2023 à 16:23

Une violence souvent exercée par des mineurs : Lorsque les bus sont caillassés, ce sont tous les usagers qui sont frappés

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Plus rien ne va plus dans les transports en commun de La Réunion. Caillassage à tout va, à n’importe quelle heure, manque de sécurité, manque de moyens… la situation a de quoi alarmer. Cela fait plus d’un mois et demi que ces agressions se sont multipliées dans plusieurs communes de l’île. Jet de galets gratuits et jeu pour les autres… une violence exacerbée qui impacte l’ensemble des usagers. Pour tenter de mettre un terme à cette violence gratuite, le Groupement de partenariat opérationnel (GPO), constitué des forces de l’ordre, des communes et d’habitants cherche des pistes de solution. Ce jeudi 16 novembre 2023, c’est d’ailleurs le GPO du Nord qui s’est regroupé pour évoquer la situation sur le réseau Citalis, qui compte près de 50 caillassages en un mois et demi… sans compter ceux qui ne sont pas forcément signalés.

Ces caillassages de plus en plus fréquents ont de quoi excéder certains chauffeurs qui travaillent sur ces lignes. Des conducteurs qui doivent être davantage vigilants. "Il y a un vrai sentiment d'insécurité", lance Sarah Lambert, déléguée syndicale FO à la SPL Estival.

Dès lors que des incidents ont lieu, les déviations peuvent durer quelques heures, voire toute une journée le lendemain par mesure de sécurité. Et ce sont les usagers qui sont directement impactés, au grand dam des chauffeurs.

"Ce n'est vraiment plus rassurant de prendre le bus de nos jours", déplore Marie-Hélène, 65 ans.

"Je ne comprends pas pourquoi ces gens font ça", s'insurge Pascal. "S'en prendre aux gens c'est inacceptable et en plus caillasser des bus pour quel but ? On a besoin de ces transports pour aller bosser chaque matin. Comment on va faire si à cause de quelques individus les bus s'arrêtent ?" s'interroge-t-il.

D'autres demandent des sanctions beaucoup plus exemplaires face à ces individus, souvent mineurs, qui lancent des galets. "Il faut les punir, les mettre en prison et responsabiliser les parents aussi", lance Diane, mère de famille de 53 ans.

"Jusqu'à quand allons-nous supporter ça, jusqu'à un nouveau drame comme celui du Port", ajoute-t-elle, faisant référence à la mort de la jeune Kenya, 25 ans, tuée après un jet de galets le 30 septembre 2023.

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- Des incidents (trop) récurrents -

Depuis le début de l'année, 49 caillassages ont été recensés rien que sur le réseau Citalis. Et ce, en à peine un mois et demi. "Il y en avait même parfois un à deux tous les jours", note Nicolas Rupert, directeur général de la Sodiparc.

Le dernier en date a été relevé ce dimanche 12 novembre sur la ligne 14 qui dessert le quartier de Montgaillard et Saint-François à Saint-Denis.

Photo Citalis

Fort heureusement, seuls des blessés légers sont à déplorer. "C'est un miracle", lance Nicolas Rupert. "Mais on aimerait que cela s'arrête car tôt ou tard on aura des blessés graves."

Des incidents qui se chiffrent par ailleurs en milliers d'euros. "Aujourd'hui on a trois véhicules à l'arrêt et en attente de pièce et plus de 70.000 euros de pertes", ajoute-t-il.

Sur le réseau Estival - desservant les communes de la Cirest - cinq bus ont été caillassés à ce jour depuis le début de l'année. "Pour éviter les secteurs à risque, les lignes sont déviées", indique Claude-Anne Cambronne, directrice générale.

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Concernant le réseau Alternéo – qui dessert les communes de la Civis – "nous déplorons 12 véhicules caillassés en 2022 (dont deux de transport scolaire) et 4 en 2023 à ce jour". L'ensemble des bus visés cette année l'ont été sur la commune de Saint-Louis.

"Lors du dernier fait qui s'est produit après 19 heures, le conducteur très surpris a préféré ne pas s'arrêter pour sa propre sécurité", précise Sandrine Boyer, directrice générale déléguée de la Semittel par intérim.

Si la société note "une amélioration entre ces deux années, il est vrai que les quatre derniers caillassages se sont déroulés à quelques semaines d'intervalle".

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Sur le réseau Carsud, "aucun caillassage de bus ces deux dernières années" n'a été relevé, "mais nous connaissons des actes d'agression envers nos contrôleurs", souligne Sandrine Boyer.

- Quid de la sécurité des usagers et chauffeurs de bus ? -

Sur le réseau Alternéo et afin d'assurer la sécurité des chauffeurs ainsi que des passagers, "les bus sont équipés d'un système d'enregistrement vidéo qui n'est exploité que sur demande des autorités de police". Par ailleurs, "les conducteurs doivent activer un dispositif de détresse en cas d'incident à bord ou à proximité du véhicule".

"Tous les jours, nos agents accompagnent les usagers à bord et aux abords des gares : contrôleurs, agents de médiation et de sécurité, ajoute Sandrine Boyer. "En cas de besoin, la gendarmerie et la police municipale viennent en renfort sur les secteurs sensibles."

À la Sodiparc, "il y a l'attention des conducteurs et un renforcement des forces de l'ordre sur le secteur", indique Nicolas Rupert. Actuellement, "si on appelle, en deux minutes on a une équipe sur zone".

Outre les conducteurs, les usagers sont aussi à protéger. "Dès qu'il y a des caillassages on évacue, on fait rentrer tous les véhicules et on ne dessert plus la zone jusqu'à la fin de la journée", indique Nicolas Rupert.

De plus, "tous nos véhicules sont connectés via une radio à une centrale de régulation avec laquelle chaque conducteur peut signaler des comportements suspects au centre qui fera le lien avec la police".

Pour espérer régler une situation devenue incontrôlable, Nicolas Rupert mise également sur le Groupement de partenariat opérationnel (GPO) constitué des polices nationales et municipales, de la ville de Saint-Denis, d’habitants des quartiers de Montgaillard et La Chaumière et de la Sodiparc.

"Des opérations de contrôles dans les quartiers les plus concernés, dans les bus, sont menées. On invite les parents à accompagner leurs enfants dans les bus, ou encore on organise des actions préventives", nous explique-t-on.

"Les médiateurs vont aussi cibler les jeunes incriminés en leur proposant des échanges afin de comprendre le but de ces incivilités", ajoute la personne présente lors du GPO au commissariat du Chaudron à Saint-Denis.

Tous étant concernés par la problématique posée, ils ont pour objectif commun de résoudre ces troubles de sécurité. Lors de l'échange du 16 novembre, des pistes ont été avancées.

Mais là où la difficulté règne, c'est sur l'interpellation des auteurs de ces actes. "Il est souvent difficile de les identifier", précise Sandrine Boyer, directrice générale déléguée de la Semittel par intérim. Toutefois, une plainte est systématiquement déposée après ces faits.

Sur le réseau Citalis, depuis le début de ces caillassages répétés en septembre, six individus ont été interpellés à Saint-Denis… tous mineurs, âgés de 10 à 16 ans.

- Une violence exacerbée, surtout chez les plus jeunes -

Il faut savoir que les caillassages ne sont malheureusement pas de phénomènes nouveaux. Cela fait des années que cela existe, avec parfois un caillassage par-ci, par-là.

Mais ce qui change désormais, c'est que ce n'est plus une violence anecdotique ou passagère. C'est un véritable problème de fond.

"Il y a toujours des caillassages mais c'était un épiphénomène. Là autant concentré en un temps si court et une zone si contrainte (Montgaillard et Moufia les Hauts à Saint-Denis) c'est inédit, c'est gratuit", note Nicoals Rupert, directeur général de la Sodiparc.

Selon Sandrine Boyer, directrice générale déléguée de la Semittel par intérim, "cela ressemble à un jeu, à de la violence gratuite".

Mais alors, pourquoi ces jeunes font-ils de la violence un jeu ? Pour les psychologues, ce sujet des jeunes qui passent à l'acte est un sujet très compliqué à aborder.

"Il se peut que l'augmentation soit en lien avec une décrédibilisation de la justice et des forces de police", expliquait à Imaz Press, le psychologue David Goulois, lors d'un précédent entretien.

"Il y a un autre problème, c'est l'éducatif. On a beau dire les parents n'y peuvent pas tout, mais c'est à eux de jouer leur rôle éducatif au départ", indiquait le syndicat Unité SGP Police "Il y a trop de jeunes livrés à eux-mêmes."

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ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

mots clés de l'article : transports , Actus réunion

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