Théâtre
Après Monsieur, Madame ramène sa "Fraize"

Décolleté vert, souliers rouges à talons, longs gants roses, coiffure rétro... Marc Fraize quitte les habits de Monsieur pour endosser la robe de Madame. Un one woman show truffé de gags et de traits d’humour décalés. Mais surtout une bouffée d’oxygène dans un monde en ébullition... (photos Sébastien Marchal et V.W)
Monsieur Fraize et maintenant madame… Pourquoi avoir changé de genre ? Le propos n’est pas le genre, ni le fait que Marc devienne femme mais plutôt ce que madame Fraize a à raconter et c’est pour moi le plus important. C’est une femme qui a un passé, une diva qui vient nous parler d’amour. Alors femme ou homme ce n’est pas grave, ce qui compte c’est la relation à l’autre. Mais attention, madame n’a aucun lien de famille avec monsieur. Ce n’est ni sa femme, ni sa tante, ni sa mère, elle est juste son alter-égale qui partage ses petits et grands tracas de femme de la classe moyenne, avec derrière, le gros challenge de réussir à faire rire et surprendre le public avec quelque chose de troublant sans tomber dans la caricature, en prenant mon temps. Car j’aime arrêter le temps. Or dans l’humour il faut aller vite, envoyer toujours des vannes et en cela, je suis un mauvais élève. Moi je propose vraiment l’éloge de la lenteur, ce qui en général n’est pas vendeur dans l’humour.
Quel est le monde de madame ? La page du monsieur mutique, est tournée. Madame, elle, est ravie de parler et d’être en public. Je me devais d’explorer des terrains qui m’étaient inconnus et surtout de parler de choses positives, ce qui au début n’a pas été évident car j’ai écrit ce spectacle en mars 2020. Mon but ici, est de faire comprendre aux personnes qui l’ont oublié qu’on a beaucoup chance contrairement à ce que véhiculent constamment les infos et les médias. Le monde de madame Fraize c’est le tien, le mien, le nôtre mais elle regarde toujours du côté de ce qui va bien et de ce qui pourrait aller encore mieux. Bref, elle est optimiste.
Comment s’est construit ce nouveau personnage ? Avec monsieur, j’ai avancé totalement à l’aveugle et il en a été de même avec madame, ne sachant pas si je réussirai à susciter le rire en faisant de l’optimisme. Le travail a commencé avec la costumière qui m’a dessiné la robe sur mesure et le personnage a pris naissance au moment où je l’ai enfilée. Et puis il y a les talons, la gestuelle où le corps aide à l’expression et à tout le reste. la base, je suis un amoureux des personnages clownesques, notamment Peter Falk et son rôle de Colombo que je cite souvent, ou encore Jacques Tati, Chaplin, Keaton, Coluche. Alors certes, avec madame Fraize, on n’est pas à ce niveau même si le personnage évolue constamment avec cette rondeur que monsieur n’avait pas.
quoi doit s’attendre le public ? Le gros thème principal c’est l’amour mais aussi le vivre-ensemble. Lorsqu’en mars 2020, on n’a plus eu la possibilité de rencontrer les gens, ce manque de contact m’a fortement marqué. Madame Fraize croit fortement à ce vivre-ensemble qui se justifie d’autant plus à La Réunion. Pour ma part, je sais pertinemment que je serais très malheureux tout seul. Ce spectacle est donc un hommage à l’amitié et à la vie de couple (je me suis d’ailleurs inspiré de la mienne) dans tout ce qu’elles comportent, à savoir les hauts et les bas.
Comment le public a réagi en découvrant madame ? Quand on est arrivés sur la grande scène du théâtre du Rond-Point à Paris, madame Fraize a investi ce plateau de 20 mètres de long avec ses grandes jambes et le public a été enchanté même si on était dans une période de restrictions sanitaires. Quant au public réunionnais, il avait totalement adhéré au premier personnage il y a quatre ans et j’espère que ceux qui ont vu monsieur viendront voir madame.
Pensez-vous que madame aura la même longévité que monsieur ? C’est vrai qu’au bout de 20 ans, j’avais fait le tour de mon personnage même s’il était très attachant. Un jour on s’est dit pourquoi pas explorer la version féminine avec quelques clins d’œil à monsieur qui pousse la porte de temps en temps. Alors je ne sais pas combien temps elle durera mais une chose est sûre, on va en prendre soin et enrichir le personnage à chaque plateau où il n’y a pas de texte à la virgule près. Cet aspect un peu "casse-gueule" me plaît car je me lance à chaque fois dans l’inconnu, c’est aussi ce qui fait la singularité du spectacle sachant que je ne travaille pas pour contenter le public mais pour le rencontrer et lui proposer quelque chose avec mon côté funambule, jongleur avec des mots et des postures.
Vous voyez-vous comme un clown poète ? Si faire rire est tout un art c’est aussi pour moi une énorme poésie. Or aujourd’hui, on est en déficit de poésie, de tendresse et d’amour. Mon ambition, sans être poète, est donc d’être un peu moins terre à terre et moins cynique avec un spectacle convivial pour qu’on prenne soin les uns des autres et je pense que ça fera du bien à tout le monde.
vw/www.ipreunion.com/
Madame Fraize, théâtre du Grand Marché, jeudi 8 septembre, 19 heures et vendredi 8 septembre, 20 heures