Culture
Ben Mazué fait un retour aux sources du Paradis

Ben Mazué conclut sa tournée par La Réunion, source de Paradis, son dernier album sorti il y a deux ans dans lequel il chronique avec intuition le deuil amoureux d’un homme de 40 ans, décrit avec justesse la tendre exaltation des émotions parentales, navigue entre galères du quotidien, crise existentielle et fulgurances universelles… La vie de tout un chacun avec ses joies et ses peines, parce qu’on a tous quelque chose en nous de Paradis. Rencontre… (Photo : V.W)
Une Victoire de la musique en février dernier dans la catégorie Live et vous concluez justement votre tournée par deux concerts à La Réunion. Est-ce la première fois que vous vous produisez ici ?
Même si je connais l’île, c’est en effet la première fois de ma vie que je me produis ici et j’en suis très heureux. Mis à part une fois où j’ai joué tout seul pendant une vingtaine de minutes sur la scène du théâtre Luc Donat il y a longtemps, dans le cadre des Francofolies, mais ce n’était pas vraiment un concert.
Vous revenez donc aux sources de cet album, disque de platine…
Je boucle une boucle et c’est toujours très émouvant. Je me sens bien à La Réunion où je trouve que je suis la meilleure version de moi-même. Quand je fais de la musique, je m’extrais de ma propre agitation et je me pose. Ici, je ne suis pas stressé ni tendu, je suis juste inspiré. La Réunion c’est génial pour le calme, on est loin de l’agitation et du tumulte. Dès le début de la tournée, on savait qu’on finirait ici, qui plus est en été, avec la chaleur et les fruits de saison. Le rêve même si ici, j’apprécie tous les mois de l’année. J’aime aussi l’île pour ses randonnées. D’ailleurs durant le concert, j’emmènerai le public dans une sorte de randonnée imaginaire, depuis le sentier Jacky Inard à l’Entre Deux pour remonter vers le Nord. Un périple en quelque sorte.
Vous évoquez les aléas et les joies de la vie… Une façon aussi de mettre des mots sur des maux par rapport à votre vécu ?
Oui, l’écriture est une forme de thérapie pour évacuer quelque chose provoqué par un déséquilibre intérieur de peine certes, mais aussi de joie, de frustration aussi, de nostalgie… Il y a plein de choses qui me font écrire. Mais à la différence d’une thérapie, il s’agit davantage d’évoquer quelque chose qui peut parler aux autres comme le deuil ou la rupture amoureuse parce qu’on a tous vécu ce genre de situation dans notre vie. J’ai aussi certaines problématiques et souffrances qui me sont propres, mais je n’en fais pas des chansons pour autant. Mes thématiques sont partageable pour que le public se retrouve dans ces émotions, ces moments, ces sentiments…
Il ressort de vos textes comme une impression de bilan à la quarantaine passée…
Ça me plaît beaucoup de dresser un constat, que ce soit dans un moment familial, une balade ou un voyage… Prendre un peu de recul est un levier dont je me sers pour écrire. Donc parfois oui, il y a des bilans mais je parlerais plus d’hommages, genre à une personne, une situation ou un âge. J’ai bientôt 42 ans et le cap est plutôt bien passé. Alors je n’y connais rien mais j’ai toujours pensé que la crise de la quarantaine était vécue par des personnes qui ont fait comme il faut durant toute leur vie et qui tout à coup se demandent s’ils ont fait comme ils voulaient. Me concernant, j’ai vraiment fait ce que je voulais et j’ai été en quelque sorte à l’abri de cette soi-disant crise. On en reparlera quand j’approcherai de la cinquantaine !
Deux ans après sa sortie, Paradis est réédité avec des titres inédits. Une volonté de votre part ?
Pendant ces deux ans, j’ai évolué dans la musicalité et dans le propos notamment. J’avais donc encore des chansons à écrire parce que j’avais évolué. Tout comme le concert d’ailleurs qui avait été élaboré pendant les restrictions sanitaires. Quand on a pu redémarrer, on s’est produit dans des petits théâtres, des plus grands, dans des zéniths, des grands festivals et à chaque fois, il faut travailler le spectacle pour l’adapter à chaque jauge. Ce fut un spectacle très évolutif qui a demandé énormément de travail et dont je suis hyper fier. Et La Réunion aura droit à la version zénith au TPA et à la version grand théâtre à Luc Donat.
Vous avez deux jeunes enfants. Concilier vie de famille et tournée, n’est-ce pas trop compliqué ?
Si, c’est compliqué. Je pense que de toute façon la vie est compliquée pour tout le monde. Quand je suis en tournée, je suis très rarement chez moi, mais lorsque j’y suis, je me consacre entièrement à mes enfants, donc je n’ai pas beaucoup de vie sociale. Avec l’âge, j’éprouve moins le besoin de voir mes amis qu’auparavant. L’effet confinement sans doute mais je me sens mieux en famille et j’ai accepté l’idée d’être plus solitaire que ce que je croyais. Mais ça ne fait pas de moi un mauvais être humain pour autant car j’aime les gens. Simplement, la dose de vie sociale varie en fonction de l’âge. Peut-être que j’ai atteint l’âge de raison ou celui de l’acceptation, je ne sais pas !
De la pratique de la médecine pendant de nombreuses années à chanteur maintenant. Votre parcours est peu commun…
La musique a toujours été une passion et pendant longtemps j’ai pu mener les deux de front. Je ne comptais pas forcément mettre un terme à ma carrière mais quand l’opportunité s’est présentée, je me suis lancé, c’était l’évidence même ! Je ne pratique plus depuis 2015 mais la médecine représente un pan de ma vie que je ne renierai jamais et qui m’a fait devenir quelqu’un de plus sage, d’érudit et d’éclairé.
Vous disiez il y a peu qu’avec beaucoup d’envie, on peut changer de vie… La vôtre vous convient-elle actuellement ?
En réalité, j’apprends à me réjouir de ce que j’ai, de ce que je vis, des personnes que j’aime et de pourquoi je les aime. Ça ne m’empêche pas de continuer à vouloir changer certains choses en moi, dans ce qui m’entoure, dans mon fonctionnement et dans mon existence.
Ben Mazué à Luc Donat ce vendredi 2 décembre à 20h et samedi 3 décembre au TPA, 20h (avec Didyé Kergrin en première partie)
vw/www.ipreunion.com/redac@ipreunion.com