Réunion par Imaz Press, lundi 2 mai 2022 à 06:14
Après la présidentielle

Logement, pouvoir d’achat, chômage : les grands chantiers réunionnais du quinquennat 2 d’Emmanuel Macron

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Les cinq années qui viennent ne seront pas de tout repos pour Emmanuel Macron, conscient qu’il a davantage bénéficié d’un vote de barrage que d’un vote d’adhésion. Exit donc l’état de grâce des 100 premiers jours. Le Président de la République devra rapidement se pencher sur les dossiers brûlants de son quinquennat, et notamment ceux qui concernent les Outre-mer en général et La Réunion en particulier où un message de défiance lui a été lancé, avec 59,57% des voix attribués à Marine Le Pen. Lutte contre les inégalités et le mal logement, pouvoir d’achat et chômage, transition énergétique ou encore développement agricole font ainsi partie des quelques grands chantiers réunionnais. Avec en toile de fond la question du nom du ministre qui portera ces dossiers ultramarins (Photo rb/www.ipreunion.com)

- Mal logement : lutter contre les inégalités -

Le prochain gouvernement devra clairement se pencher sur la question de la lutte des inégalités et le mal logement sur un territoire où près de 25 000 foyers sont en attente d’un logement social, et près de 18 000 Réunionnais vivent dans un habitat indigne.

Le dramatique incendie, fin 2020, de la résidence Marina ou encore les conflits entre les locataires de la résidence Flacourt, à Sainte-Marie et la SIDR montrent que la question du logement reste un sujet de forte préoccupation pour les Réunionnais.

Aussi, le gouvernement se devra rapidement d’apporter des solutions, tant en termes de soutien à la dynamique de construction de logements privés que de logements sociaux, tout en accompagnant à la nécessaire réhabilitation du parc social réunionnais qui se fait vieillissant.

Sur la question du logement, Emmanuel Macron sait qu’il devra éviter de se prendre les pieds dans le tapis comme au début de son quinquennat précédent où la diminution de l’APL avait été une mesure extrêmement impopulaire que les Réunionnais n’ont guère digérée, même cinq ans après.

Le président de la République sera aussi attendu sur la mise en place de la prime Adapt' visant à soutenir l’amélioration et l’adaptabilité des logements. Reste à voir comment ce dispositif va s’articuler avec les aides régionales et départementales en la matière.

- Pouvoir d’achat et chômage : limiter l’impact de la crise -

Les effets de la crise sont bien présents et ils se ressentent clairement au niveau du porte-monnaie des Réunionnais. Selon les derniers chiffres de l’Insee, les prix ont bondi de 3,7% sur un an, un niveau qui n’avait plus atteint depuis 2002.

En cause, le cyclone Batsirai qui provoque une hausse conjoncturelle des prix mais surtout les conséquences de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine qui ont occasionné une explosion des coûts du fret et du container, et du prix de certains produits et matières premières. Conséquence visible, les produits manquent dans certains rayons de supermarchés, ou les prix augmentent sensiblement.

Sur une île où 39% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, ces augmentations passent très mal, d’autant plus que les mesures mises en place lors du précédent quinquennat n’ont pas l’effet escompté.

Le nouveau bouclier qualité prix ne semblent pas faire preuve d’efficacité, d’autant plus que la colère gronde au sein de l’Observatoire des prix, des marges et des revenus dont les membres ont manifesté ce vendredi 29 avril 2022 pour faire part de leur mécontentement sur les conditions d’organisation de leur séance plénière.

L’augmentation sensible des prix du carburant qui continuent de flirter avec des records font craindre le risque d’un mouvement social d’ampleur sur le territoire. Pour rappel, c’est le prix des carburants et du gaz qui avaient été l’étincelle de l’explosion sociale liée à la crise des gilets jaunes en 2018. Les prix de l’époque sont aujourd’hui dépassés, sans pour autant que les Réunionnais n’aient vu leur pouvoir d’achat véritablement progresser.

Dans ce contexte de tension, le nouveau gouvernement devra s’atteler à traiter rapidement ce sujet, d’une part pour stabiliser les prix, voire même essayer de les faire baisser, notamment grâce au travail de refonte qui doit être mené sur l’octroi de mer, sans pour autant léser les communes qui sont les principales bénéficiaires de ce pactole.

D’autre part, Emmanuel Macron et son gouvernement sont attendu sur la question du pouvoir d’achat, alors que le Président de la République a affirmé faire de l’emploi une grande priorité de son quinquennat, avec notamment une augmentation de la Prime Macron, le dégel du point d’indice ainsi qu’un effort pour les petites retraites.

Plus globalement, c’est sur la question de la lutte contre le chômage qu’Emmanuel Macron est très attendu à La Réunion sur un des départements où ce taux est le plus fort. Si, comme au niveau national, une dynamique positive est constatée, le président de la République et son gouvernement devront s’atteler à ce sujet essentiel pour les Réunionnais avec notamment une première question : quid de la mise en œuvre à l’échelle locale de la proposition de conditionner le RSA à une activité de 15 à 20 heures ? Compte tenu de contexte locale, cette mesure semble difficilement possible à mettre en place, tant en termes de volumes d’activité que de suivi.

Au-delà de ce sujet, l’Etat devra proposer des leviers incitatifs aux entreprises, mais aussi aux collectivités locales, afin de favoriser l’emploi des Réunionnais.

- Transition énergétique et agriculture : La Réunion vers l’autonomie ? -

L’ambition de faire de La Réunion une île 100% autonome au niveau énergétique et alimentaire doit être une grande priorité de ce quinquennat.

Si le projet "La Réunion 2030" qui visait à permettre l’autonomie énergétique de notre île n’est plus d’actualité, le contexte de réchauffement climatique mondial pose au cœur des enjeux du territoire la question du développement des énergies renouvelables, avec le développement du photovoltaïque et de l’éolien, déjà bien présents sur l’île.

Emmanuel Macron évoquait durant la campagne son ambition de développer l’éolien en mer. La Réunion pourrait être un territoire pilote dans ce domaine compte tenu de son insularité et des vents qui permettent d’alimenter constamment cet équipement. La possibilité de recourir à l’énergie de la mer, notamment des houles, tout comme l’énergie thermique, grâce au volcan, devra certainement être de nouveau exploré dans les années à venir.

C’est surtout l’enjeu de l’autonomie alimentaire qui est au cœur des préoccupations des Réunionnais, avec son corollaire, celui de la transformation du modèle agricole réunionnais. Les derniers événements climatiques (cyclones Batsiraï et Emnati) ont démontré que La Réunion demeure encore un territoire fragile en matière de production de fruits et légumes. Tout l’enjeu sera de sécuriser, de renforcer et de diversifier la production réunionnaise afin qu’elle soit en mesure de nourrir une population qui atteindra le million d’habitant d’ici une décennie, et ce, dans n’importe quelle circonstance.

Les enjeux dans ce domaine sont importants et les défis encore plus nombreux. Si La Réunion est autonome sur certains produits, beaucoup proviennent encore trop de l’importation tels que l’oignon et l’ail. Sans compter le riz et le lait, deux produits fortement consommés à La Réunion, dont la production locale est, anecdotique, concernant le riz, et insuffisante concernant le lait. Même constat pour la viande où l’offre locale ne répond pas encore assez à la demande, laissant une large place aux importations. Ce sont sur tous ces leviers que l’Etat, en lien avec les acteurs locaux, devra intervenir et agir, afin d’accompagner La Réunion vers cette nécessaire ambition d’autonomie alimentaire.

Cela passe notamment par une hausse sensible des productions au niveau local et un développement de partenariats avec les pays de la zone, notamment Madagascar qui ambitionne de redevenir le " grenier de l’Océan Indien ". Tout cela, en préservant la culture de la canne dont l’avenir et le devenir sont plus que jamais flous alors que planteurs et industriels sont actuellement en train d’évoquer la prochaine convention canne, sur fond d’incertitudes sur les aides de l’Europe et de l’Etat.

Lire aussi : A La Réunion, l'autosuffisance alimentaire n'est (vraiment) pas pour demain

- Qui pour mener ces chantiers ? -

La grande question a l’aube de ce nouveau quinquennat est de savoir qui va pouvoir porter tous ces chantiers en qualité de ministre des Outre-mer. Les scores fleuves enregistrés par Marine Le Pen dans les Départements d’Outre-mer au second tour sont une alerte pour Emmanuel Macron qui sait qu’il sera très attendu par les électeurs ultramarins. Aussi, la personnalité et le travail du ministre des Outre-mer sera particulièrement scruté.

Peut-t-il laisser les clés de ce ministère à Sébastien Lecornu ? Peu de chance que l’actuel ministre rempile pour quelques années. En effet, Sébastien Lecornu fait partie des piliers de l’organisation macroniste et de la campagne du président de la République réélu. Son candidat ayant remporté la victoire, il est fort à parier que celui-ci bénéficie d’une belle promotion au sein du gouvernement en étant nommé à un ministère plus prestigieux.

Compte tenu du désaveu subit Outre-mer, il ne serait pas étonnant que le président de la République et son Premier ministre reviennent à la doctrine selon laquelle le ministère des Outre-mer doit être attribué à un ultramarin. Dans cette perspective, les jeux sont ouverts et la possibilité de voir un Réunionnais accéder à ce poste est fort possible.

Et pour cause, d’une part, La Réunion est le territoire qui compte le plus d’habitants et qui a donc un poids électoral plus important. D’autre part, malgré des réticences et désaccords profonds, La Réunion apparaît comme un des "bons élèves" du quinquennat précédent marqué par la crise sanitaire. Alors que les Antilles ont été vent debout contre le pass sanitaire et peu mobilisées en ce qui concerne la vaccination, La Réunion a plutôt respecté et suivi les consignes.

Aussi, dans ce contexte, plusieurs personnalités pourraient tenir la corde pour un poste de ministre des Outre-mer. A commencer par la sénatrice Nassimah Dindar qui fut particulièrement active tout au long de la campagne pour soutenir Emmanuel Macron. Ce serait pour elle l’apogée de sa carrière politique. Elle a l’avantage d’avoir un réseau important au sein de l’Etat et notamment l’écoute de Dominique Perben qui est un proche du président de la République en ce qui concerne les sujets liés à l’Outre-mer.

Cyrille Melchior pourrait faire partie du casting compte tenu là aussi de son engagement à soutenir Emmanuel Macron et de sa capacité à rassembler les forces politiques au sein du Département. Il pourrait être vu comme l’homme de consensus qui saura apaiser les colères et trouver des solutions dans la collégialité, comme il l’a toujours fait au sein de la collectivité qu’il préside. Il est par ailleurs proche de Sébastien Lecornu qui pourrait avoir son mot à dire quant au nom de son successeur. Mais pas sûr que le président du Département souhaite quitter sa collectivité. En effet, même s’il n’est pas obligé de démissionner, il lui sera difficile de mener les affaires du Département tout en assumant une fonction à Paris, sur un siège éjectable à tout moment, ce qui pourrait le convaincre de refuser une telle proposition.

D’autres personnalités pourraient bien sûr être citées, telles que Serge Hoareau, le maire de Petite Ile ou encore le référent local de LaRem, Bachil Valy. Tout cela n’est bien sûr qu’hypothèses. Emmanuel Macron et son Premier ministre pourraient aussi faire le choix de nommer quelqu’un issu d’un autre territoire au cœur des colères, afin d’adresser un signal tout aussi fort.

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